Le lamento qui avait résonné pendant des millénaires depuis les confins de l'univers s'était tu.
Devant cette conclusion aussi heureuse qu'inattendue à un conflit durant lequel s'était joué le destin de leur planète, les Dieux du panthéon éorzéen avaient décidé de se réunir dans leur domaine, Omphalos. Après de longues discussions passionnées au sujet du futur d'Ætherys, le frère et la sœur qui présidaient l'assemblée clôturèrent le débat sur des paroles à l'attention d'Oschon, le Vagabond.
« Ainsi donc, ce voyage sera ton dernier. Puisse-t-il te mener vers une heureuse destinée », lui souhaita Nymeia, la Fileuse, avant de lui adresser un sourire aussi radieux que les étoiles brillant dans la nuit.
« Pour que notre vœu se réalise, tu dois impérativement l'attirer jusqu'à Omphalos », ajouta Althyk, le Contemplateur, sur un ton plus solennel.
En guise de réponse, Oschon hocha simplement de la tête, l'air cependant déterminé. Les autres Dieux, eux, ne se sentaient pas moins concernés par la question. Thaliak, l'Érudit, était soulagé que l'histoire de l'humanité ait été préservée, et ressentait une immense fierté envers celles et ceux qui s'étaient battus pour défendre ce patrimoine ; Azeyma, la Gardienne, était profondément comblée à l'idée que la volonté de Venat ait été respectée ; quant à Halone, la Conquérante, et Menphina, la Bien-aimante, elles se remémoraient les prières d'espoir et de victoire qu'elles avaient adressées aux passagers du Ragnarok, le jour où le vaisseau s'était envolé vers le fin fond de l'espace.
Mais ce qui préoccupait chacun des Douze, c'était la tournure qu'allait prendre leur existence, et plus précisément comment allait se dérouler son épilogue. Eux désiraient avant tout rendre à l'humanité le culte qu'elle leur avait voué et qui les avait façonnés, sous la forme d'une bénédiction qui apporterait bonheur et prospérité aux habitants d'Ætherys, ainsi qu'à leurs descendants. Le noyau qui avait servi à les créer – un fragment de leur âme alors qu'ils n'étaient encore que des « partisans de Venat » – retournerait alors à la mer des étoiles, et ils pourraient un jour renaître et vivre paisiblement au milieu des humains qu'ils chérissaient tant, cette fois en tant qu'égaux. Seulement, ce souhait ne se réaliserait qu'à une seule condition : ils devaient affronter de toutes leurs forces l'un ou l'une de leurs enfants adorés, et être vaincus à la loyale... La terrible menace de l'apocalypse désormais écartée, le moment était venu pour les Dieux éorzéens de mettre leur plan à exécution.
Byregot, l'Artisan, et Rhalgr, le Destructeur, commencèrent à réfléchir à la forme que prendrait l'arène qui allait accueillir le premier – et dernier – combat des Dieux contre les hommes. Quant à Llymlaen, la Navigatrice, elle se transforma en oiseau marin et s'envola loin d'Omphalos, soudainement mélancolique et prise d'une envie irrépressible de contempler Limsa Lominsa et ses habitants, qui lui avaient toujours voué une adoration inconditionnelle. Finalement, le pilier du projet – celui qui devait conduire le héros de l'humanité jusqu'ici – prit l'identité d'un explorateur nommé Deryk et quitta en silence le domaine divin.
Devant cette conclusion aussi heureuse qu'inattendue à un conflit durant lequel s'était joué le destin de leur planète, les Dieux du panthéon éorzéen avaient décidé de se réunir dans leur domaine, Omphalos. Après de longues discussions passionnées au sujet du futur d'Ætherys, le frère et la sœur qui présidaient l'assemblée clôturèrent le débat sur des paroles à l'attention d'Oschon, le Vagabond.
« Ainsi donc, ce voyage sera ton dernier. Puisse-t-il te mener vers une heureuse destinée », lui souhaita Nymeia, la Fileuse, avant de lui adresser un sourire aussi radieux que les étoiles brillant dans la nuit.
« Pour que notre vœu se réalise, tu dois impérativement l'attirer jusqu'à Omphalos », ajouta Althyk, le Contemplateur, sur un ton plus solennel.
En guise de réponse, Oschon hocha simplement de la tête, l'air cependant déterminé. Les autres Dieux, eux, ne se sentaient pas moins concernés par la question. Thaliak, l'Érudit, était soulagé que l'histoire de l'humanité ait été préservée, et ressentait une immense fierté envers celles et ceux qui s'étaient battus pour défendre ce patrimoine ; Azeyma, la Gardienne, était profondément comblée à l'idée que la volonté de Venat ait été respectée ; quant à Halone, la Conquérante, et Menphina, la Bien-aimante, elles se remémoraient les prières d'espoir et de victoire qu'elles avaient adressées aux passagers du Ragnarok, le jour où le vaisseau s'était envolé vers le fin fond de l'espace.
Mais ce qui préoccupait chacun des Douze, c'était la tournure qu'allait prendre leur existence, et plus précisément comment allait se dérouler son épilogue. Eux désiraient avant tout rendre à l'humanité le culte qu'elle leur avait voué et qui les avait façonnés, sous la forme d'une bénédiction qui apporterait bonheur et prospérité aux habitants d'Ætherys, ainsi qu'à leurs descendants. Le noyau qui avait servi à les créer – un fragment de leur âme alors qu'ils n'étaient encore que des « partisans de Venat » – retournerait alors à la mer des étoiles, et ils pourraient un jour renaître et vivre paisiblement au milieu des humains qu'ils chérissaient tant, cette fois en tant qu'égaux. Seulement, ce souhait ne se réaliserait qu'à une seule condition : ils devaient affronter de toutes leurs forces l'un ou l'une de leurs enfants adorés, et être vaincus à la loyale... La terrible menace de l'apocalypse désormais écartée, le moment était venu pour les Dieux éorzéens de mettre leur plan à exécution.
Byregot, l'Artisan, et Rhalgr, le Destructeur, commencèrent à réfléchir à la forme que prendrait l'arène qui allait accueillir le premier – et dernier – combat des Dieux contre les hommes. Quant à Llymlaen, la Navigatrice, elle se transforma en oiseau marin et s'envola loin d'Omphalos, soudainement mélancolique et prise d'une envie irrépressible de contempler Limsa Lominsa et ses habitants, qui lui avaient toujours voué une adoration inconditionnelle. Finalement, le pilier du projet – celui qui devait conduire le héros de l'humanité jusqu'ici – prit l'identité d'un explorateur nommé Deryk et quitta en silence le domaine divin.
Si Oschon était communément appelé le Vagabond, alors que son devoir originel était de régir les monts et les montagnes, c'est parce qu'il appréciait voyager au milieu des mortels et goûter à leur solitude. Lors de ses nombreuses escapades vers le monde d'en bas – où il passait clairement plus de temps qu'à Omphalos – il appliquait invariablement une règle d'or : quitter le domaine divin de l'endroit où il y était arrivé, c'est-à-dire retourner au dernier lieu où il avait vagabondé. Dans son esprit, c'était autant pour éviter d'éveiller les soupçons que pour se plier aux mêmes lois que ses homologues voyageurs, et comprendre ainsi l'essence de l'existence humaine.
La session extraordinaire du panthéon éorzéen terminée, il se téléporta ainsi dans un petit coin reculé de la forêt de Sombrelinceul, à l'abri des regards. Lorsque, de derrière un bosquet, il apparut sous les traits de Deryk, il n'y avait guère que quelques monstres et animaux sauvages pour être surpris de son irruption. Il inspira alors une grosse bouffée d'air boisé, avant de se mettre en marche, tel un simple voyageur qui aurait repris sa route à la suite d'une halte.
Après quelques malms à cheminer en cet après-midi radieux, la peau doucement caressée par le vent et les oreilles bercées par le bruissement des feuilles, il aperçut la rivière qui marquait la séparation entre la futaie des Murmures et les sources de l'Aulne. Un peu plus loin se trouvait le Moulin des Bois, son dernier lieu de villégiature avant sa visite à Omphalos. Bien qu'isolé, le modeste hameau était régulièrement visité par les aventuriers de passage dans la forêt, ce qui en faisait un endroit parfait pour séjourner paisiblement sans attirer l'attention. Il n'avait d'ailleurs pas fallu longtemps au discret explorateur pour gagner la sympathie des quelques vigiles sombres qui y montaient la garde, l'un d'eux lui adressant même un sourire amical à travers son masque chaque fois qu'il le croisait sur l'un des ponts du village.
Alors qu'il poursuivait sa route, plissant les yeux sous l'intensité de la lumière du couchant qui transperçait la canopée, Deryk envisageait la suite de son itinéraire. En abandonnant la Sylve par le nord, il lui suffirait de passer par le Coerthas pour rejoindre le Mor Dhona. Là-bas, il n'aurait plus qu'à aborder un des chercheurs de la Fondation de Saint-Coinach afin de lui confier qu'il avait découvert l'entrée du fameux « monde chimérique ».
« Ce sera plus bref que je ne l'imaginais », constata-t-il sur un ton déçu, réalisant à mesure de son avancée que ce voyage serait bien son dernier.
Il était impératif que la suite d'événements qui devait mener à sa rencontre avec l'aventurier paraisse le plus naturelle possible, sans quoi celui-ci risquerait de se méfier et de ne pas l'engager comme guide. Plus facile à dire qu'à faire pour Deryk, qui n'apparaissait après tout que comme un vulgaire vagabond, sans aucun fait d'armes ou découverte passée à son actif. La dissolution des Héritiers de la Septième Aube récemment actée, il ne fallait plus compter sur l'organisation pour atteindre l'intéressé. Quant à une approche frontale, c'était de toute évidence le meilleur moyen de faire capoter l'affaire... Puisqu'il était conscient que son identité d'emprunt serait de toute façon bien vite percée à jour par l'intuition acérée de son futur partenaire d'exploration, Deryk souhaitait surtout éviter que leur collaboration parte sur un mauvais pied.
Alors, comment faire ? Finalement, sur les conseils de Nald'thal, les Marchands, et de Thaliak, il fut décidé que la méthode la plus sûre et directe serait de révéler la découverte à un organisme de recherche sharlayanais, qui diligenterait à son tour une enquête auprès des Élèves de Baldesion, une organisation possédant d'étroits liens avec les Héritiers. C'est dans ce but que Deryk se dirigeait vers le Mor Dhona, non sans déplorer que sa dernière destination ne soit pas un peu plus éloignée.
Quel que soit le chemin qu'il empruntait, il avait invariablement déjà été foulé par quantité de voyageurs avant lui, chacun de ces passages représentant une ligne dans le grand livre de l'histoire humaine... Si Oschon souhaitait comme les autres Dieux éorzéens devenir un acteur de cette dernière en rejoignant la mer des étoiles et le cycle infini de la vie, le vagabond de cœur qu'il était désirait prolonger sa route sous les traits de Deryk pour contempler autant que possible les traces laissées par l'existence des mortels.
Sur ces pensées, il arriva bientôt au Radeau de la Calebasse, aussi connu sous le nom de « village flottant ». Le hameau, qui avait été construit à même le lac dans un souci de préservation de la forêt, était connu pour la qualité de son hébergement et l'accueil bienveillant de ses habitants. Escale prisée des voyageurs ou des marchands désirant reprendre des forces sur la route menant au Coerthas, on pouvait apercevoir ce jour-là sur sa place centrale quelques individus à l'allure d'aventuriers. En s'imprégnant de cette atmosphère paisible mais vivante, si typique de l'endroit, Deryk esquissa un sourire.
Alors qu'il passait à côté de l'éthérite en essayant de se faire aussi discret que possible, un Hyur assis non loin de là l'interpella :
« Brave voyageur, vous apprêteriez-vous à reprendre la route si tard ? La nuit est sur le point de tomber, et je ne saurais trop vous conseiller de passer la nuit au Liège flottant. »
Il s'agissait certainement d'un habitant du village. Comme il le faisait justement remarquer, il commençait à faire sombre, et les lampadaires autour de la place avaient déjà été allumés. Deryk s'inclina vers l'homme en signe de remerciement.
« J'apprécie votre prévenance, mais le temps m'est compté. Je gîterai donc un peu plus loin sur ma route. »
Non seulement il avait en tête d'approcher l'aventurier aussi vite que possible, mais il n'aurait pas supporté d'occuper une chambre au risque d'en priver un mortel qui en avait vraiment besoin. En tant que Dieu du panthéon éorzéen, Oschon se devait de respecter cette règle pour le moins évidente : privilégier le bien-être des humains avant tout.
À ce moment, le regard de l'aimable Hyur se porta vers les pieds de Deryk. Quelque chose avait attiré son attention, mais avant qu'il ait le temps de dire quoi que ce soit, l'explorateur s'inclina de nouveau pour le remercier puis reprit sa route.
Une fois le Radeau de la Calebasse derrière lui, c'est un paysage radicalement différent qui s'offrit à ses yeux. Ce qui était autrefois une luxuriante forêt d'immenses arbres tutoyant les cieux avait été transformé en morne plaine brûlée par le septième fléau, une terre écorchée jonchée de débris du satellite Dalamud, d'où ne dépassaient plus aujourd'hui que quelques restes d'énormes racines, derniers vestiges de sa splendeur passée.
Néanmoins, les chemins étaient toujours entretenus pour que la zone reste praticable et plusieurs sentinelles y patrouillaient pour assurer la sécurité des passants. Il faut dire que les nombreuses fissures qui déchiraient la plaine attiraient foule de mineurs rêvant de s'enrichir en découvrant quelque filon de métal précieux. Une énième preuve de la formidable résilience des habitants d'Ætherys, en dépit des innombrables épreuves traversées.
Espérant toujours rallier le Coerthas avant la nuit noire, l'explorateur se hâta encore un peu plus.
« Deryk, j'aimerais te parler avant que tu t'éloignes de la forêt de Sombrelinceul. »
Surpris par cette soudaine apostrophe, il se retourna pour découvrir une jeune pousse de plante ambulante, autrement dit l'apparence qu'avait choisie Nophica, la Mère, pour passer inaperçue dans le monde d'en bas. La petite créature touffue, qui flottait doucement dans les airs, porta avec dextérité l'extrémité d'une des lianes qui lui servaient de bras vers ce qui était vraisemblablement son menton.
« Nous n'avons que rarement l'occasion de converser... Qu'y a-t-il, au juste ?
– D'après ta réaction, tu n'as vraiment rien remarqué... Regarde donc à tes pieds. »
Il s'exécuta, et constata avec étonnement qu'un bébé opo-opo se trouvait là, tout tremblotant, les mains fermement agrippées au revers de son vêtement. Leurs regards se croisèrent, et le petit animal gémit timidement en direction de Deryk.
« Oh... Depuis quand es-tu là, mon petit... ?
– Il te suivait déjà comme ton ombre lorsque tu es arrivé au Radeau de la Calebasse. Après avoir été blessé par un monstre, il s'est retrouvé seul et effrayé au beau milieu de la forêt, alors il a décidé de t'emboîter le pas quand tu es passé par là. »
En bonne protectrice de la cité forestière qu'elle était, Nophica avait décidé de passer dans la Sylve le temps qu'il restait jusqu'à l'exécution du plan des Douze. Ainsi, elle n'avait rien manqué du trajet de son homologue... Comme si elle s'exprimait au nom de l'opo-opo, elle poursuivit, un sourire au coin des lèvres.
« Tu es tellement dans la lune... J'ai préféré te prévenir avant que tu n'arrives dans le Coerthas, pour votre bien à tous les deux. Sur ce, je retourne à mes occupations. »
Joignant le geste à la parole, elle se métamorphosa en une petite boule de lumière, avant de disparaître dans l'obscurité de la forêt.
La Déesse partie, Deryk se retrouva seul à nouveau, ou plutôt avec le bébé opo-opo comme unique compagnie. Les deux se fixèrent, non sans une certaine gêne, et le petit animal aux grands yeux ronds sembla comprendre que son compagnon d'infortune ne lui ferait aucun mal. Il s'était vraisemblablement retrouvé à l'écart de son groupe, et sans personne pour le protéger, ses jours dans la nature sauvage étaient probablement comptés. Pire, Deryk se disait qu'en l'abandonnant, il trahirait la timide confiance que la frêle créature sans défense avait finalement placée en lui.
Ainsi, il se décida à passer les dernières heures de sa présente existence affublé de son nouvel ami simiesque. Il reprit sa route en se fiant aux quelques lampes qui l'éclairaient, conscient qu'il atteindrait bientôt le poste d'observation des vigiles sombres qui marquait la frontière entre Sombrelinceul et le Coerthas. Derrière lui, le bébé opo-opo s'efforçait tant bien que mal de suivre sa foulée rapide.
Une fois arrivé, l'explorateur s'adressa à une des sentinelles présentes :
« Excusez-moi de vous déranger, j'ai recueilli ce petit animal sur ma route, et il m'a l'air blessé. Puis-je m'éclairer de votre feu pour l'ausculter ? »
Fidèle à la réputation de serviabilité des agents de l'ordre des Deux Vipères, l'Élézen l'invita aussitôt à s'installer où bon lui semblait. Après l'avoir remercié, Deryk s'assit à proximité du feu avant de prendre le jeune singe dans ses bras pour examiner de plus près la blessure mentionnée par Nophica. Immédiatement, il remarqua une plaie près de l'aine. Par instinct, les animaux sauvages s'efforcent de se déplacer le plus normalement du monde même lorsqu'ils sont mal en point, afin de cacher toute faiblesse à leurs prédateurs ; mais au vu de sa blessure, le pauvre opo-opo avait dû souffrir le martyr pour arriver jusqu'ici.
Deryk sortit alors de sa besace un onguent, qu'il avait jadis reçu de la part d'un marchand ambulant qui s'était inquiété de le voir voyager aussi légèrement équipé. Plutôt heureux d'avoir finalement trouvé une occasion de s'en servir, il en prit un peu sur ses doigts avant de l'appliquer sur la plaie à soigner. Visiblement requinqué et rassuré, le petit singe vint alors s'installer sur les genoux de son bienfaiteur. À ce moment, un des vigiles sombres s'adressa à Deryk :
« On dirait qu'il s'est attaché à vous... Si vous comptez franchir le passage montagneux qui mène au Coerthas avec lui, je vous recommande d'être prudent. Que diriez-vous de passer la nuit ici, en échange de quelques récits de vos voyages ? Si vous préférez, vous pouvez aussi rebrousser chemin jusqu'au Radeau de la Calebasse. »
Hésitant, l'explorateur leva le regard vers le ciel. Le soleil s'était finalement couché à l'horizon, et ses derniers rayons avaient abdiqué devant les ténèbres de la nuit, déjà parsemées de quelques étoiles dont le lointain éclat serait bientôt la seule source de lumière pour éclairer un chemin bien accidenté. Il était donc plus prudent de suivre sagement ce conseil, aussi bien pour offrir un peu de répit à son compagnon convalescent que pour s'accorder un repos bien mérité.
Mais alors, quelles histoires seraient bonnes à raconter aux deux sentinelles qui allaient lui tenir compagnie pendant cette veillée improvisée ? Il aurait pu leur parler du détective excentrique dont il avait eu vent lors d'un séjour dans la cité des sables, ou bien des dernières rumeurs qui couraient dans l'Ala Mhigo libérée... Mais le feu crépitant qu'il avait devant lui fit ressurgir dans son esprit quelques vagues souvenirs de sa rencontre avec une voyageuse qui changea sa vie, dans un très lointain passé. Il la revit assise à ses côtés, le reflet d'une flamme dansant sur ses pupilles, tandis qu'elle racontait combien elle aimait voyager librement dans des terres inconnues, l'altruisme chevillé au corps.
Ce faisant, l'esprit de Deryk vagabondait sur son propre passé, son présent, et le futur qui l'attendait ; ses pensées allaient tantôt à ladite voyageuse qui se sacrifia par amour pour la planète et l'humanité, tantôt à ses compagnons animés par la même volonté, pour enfin dériver vers cet héritier spirituel qu'il allait rencontrer, et qui détenait la clef de sa destinée... Au fond de lui, il espérait que tous lui pardonneraient de faire durer ce dernier voyage plus que de raison.
La session extraordinaire du panthéon éorzéen terminée, il se téléporta ainsi dans un petit coin reculé de la forêt de Sombrelinceul, à l'abri des regards. Lorsque, de derrière un bosquet, il apparut sous les traits de Deryk, il n'y avait guère que quelques monstres et animaux sauvages pour être surpris de son irruption. Il inspira alors une grosse bouffée d'air boisé, avant de se mettre en marche, tel un simple voyageur qui aurait repris sa route à la suite d'une halte.
Après quelques malms à cheminer en cet après-midi radieux, la peau doucement caressée par le vent et les oreilles bercées par le bruissement des feuilles, il aperçut la rivière qui marquait la séparation entre la futaie des Murmures et les sources de l'Aulne. Un peu plus loin se trouvait le Moulin des Bois, son dernier lieu de villégiature avant sa visite à Omphalos. Bien qu'isolé, le modeste hameau était régulièrement visité par les aventuriers de passage dans la forêt, ce qui en faisait un endroit parfait pour séjourner paisiblement sans attirer l'attention. Il n'avait d'ailleurs pas fallu longtemps au discret explorateur pour gagner la sympathie des quelques vigiles sombres qui y montaient la garde, l'un d'eux lui adressant même un sourire amical à travers son masque chaque fois qu'il le croisait sur l'un des ponts du village.
Alors qu'il poursuivait sa route, plissant les yeux sous l'intensité de la lumière du couchant qui transperçait la canopée, Deryk envisageait la suite de son itinéraire. En abandonnant la Sylve par le nord, il lui suffirait de passer par le Coerthas pour rejoindre le Mor Dhona. Là-bas, il n'aurait plus qu'à aborder un des chercheurs de la Fondation de Saint-Coinach afin de lui confier qu'il avait découvert l'entrée du fameux « monde chimérique ».
« Ce sera plus bref que je ne l'imaginais », constata-t-il sur un ton déçu, réalisant à mesure de son avancée que ce voyage serait bien son dernier.
Il était impératif que la suite d'événements qui devait mener à sa rencontre avec l'aventurier paraisse le plus naturelle possible, sans quoi celui-ci risquerait de se méfier et de ne pas l'engager comme guide. Plus facile à dire qu'à faire pour Deryk, qui n'apparaissait après tout que comme un vulgaire vagabond, sans aucun fait d'armes ou découverte passée à son actif. La dissolution des Héritiers de la Septième Aube récemment actée, il ne fallait plus compter sur l'organisation pour atteindre l'intéressé. Quant à une approche frontale, c'était de toute évidence le meilleur moyen de faire capoter l'affaire... Puisqu'il était conscient que son identité d'emprunt serait de toute façon bien vite percée à jour par l'intuition acérée de son futur partenaire d'exploration, Deryk souhaitait surtout éviter que leur collaboration parte sur un mauvais pied.
Alors, comment faire ? Finalement, sur les conseils de Nald'thal, les Marchands, et de Thaliak, il fut décidé que la méthode la plus sûre et directe serait de révéler la découverte à un organisme de recherche sharlayanais, qui diligenterait à son tour une enquête auprès des Élèves de Baldesion, une organisation possédant d'étroits liens avec les Héritiers. C'est dans ce but que Deryk se dirigeait vers le Mor Dhona, non sans déplorer que sa dernière destination ne soit pas un peu plus éloignée.
Quel que soit le chemin qu'il empruntait, il avait invariablement déjà été foulé par quantité de voyageurs avant lui, chacun de ces passages représentant une ligne dans le grand livre de l'histoire humaine... Si Oschon souhaitait comme les autres Dieux éorzéens devenir un acteur de cette dernière en rejoignant la mer des étoiles et le cycle infini de la vie, le vagabond de cœur qu'il était désirait prolonger sa route sous les traits de Deryk pour contempler autant que possible les traces laissées par l'existence des mortels.
Sur ces pensées, il arriva bientôt au Radeau de la Calebasse, aussi connu sous le nom de « village flottant ». Le hameau, qui avait été construit à même le lac dans un souci de préservation de la forêt, était connu pour la qualité de son hébergement et l'accueil bienveillant de ses habitants. Escale prisée des voyageurs ou des marchands désirant reprendre des forces sur la route menant au Coerthas, on pouvait apercevoir ce jour-là sur sa place centrale quelques individus à l'allure d'aventuriers. En s'imprégnant de cette atmosphère paisible mais vivante, si typique de l'endroit, Deryk esquissa un sourire.
Alors qu'il passait à côté de l'éthérite en essayant de se faire aussi discret que possible, un Hyur assis non loin de là l'interpella :
« Brave voyageur, vous apprêteriez-vous à reprendre la route si tard ? La nuit est sur le point de tomber, et je ne saurais trop vous conseiller de passer la nuit au Liège flottant. »
Il s'agissait certainement d'un habitant du village. Comme il le faisait justement remarquer, il commençait à faire sombre, et les lampadaires autour de la place avaient déjà été allumés. Deryk s'inclina vers l'homme en signe de remerciement.
« J'apprécie votre prévenance, mais le temps m'est compté. Je gîterai donc un peu plus loin sur ma route. »
Non seulement il avait en tête d'approcher l'aventurier aussi vite que possible, mais il n'aurait pas supporté d'occuper une chambre au risque d'en priver un mortel qui en avait vraiment besoin. En tant que Dieu du panthéon éorzéen, Oschon se devait de respecter cette règle pour le moins évidente : privilégier le bien-être des humains avant tout.
À ce moment, le regard de l'aimable Hyur se porta vers les pieds de Deryk. Quelque chose avait attiré son attention, mais avant qu'il ait le temps de dire quoi que ce soit, l'explorateur s'inclina de nouveau pour le remercier puis reprit sa route.
Une fois le Radeau de la Calebasse derrière lui, c'est un paysage radicalement différent qui s'offrit à ses yeux. Ce qui était autrefois une luxuriante forêt d'immenses arbres tutoyant les cieux avait été transformé en morne plaine brûlée par le septième fléau, une terre écorchée jonchée de débris du satellite Dalamud, d'où ne dépassaient plus aujourd'hui que quelques restes d'énormes racines, derniers vestiges de sa splendeur passée.
Néanmoins, les chemins étaient toujours entretenus pour que la zone reste praticable et plusieurs sentinelles y patrouillaient pour assurer la sécurité des passants. Il faut dire que les nombreuses fissures qui déchiraient la plaine attiraient foule de mineurs rêvant de s'enrichir en découvrant quelque filon de métal précieux. Une énième preuve de la formidable résilience des habitants d'Ætherys, en dépit des innombrables épreuves traversées.
Espérant toujours rallier le Coerthas avant la nuit noire, l'explorateur se hâta encore un peu plus.
« Deryk, j'aimerais te parler avant que tu t'éloignes de la forêt de Sombrelinceul. »
Surpris par cette soudaine apostrophe, il se retourna pour découvrir une jeune pousse de plante ambulante, autrement dit l'apparence qu'avait choisie Nophica, la Mère, pour passer inaperçue dans le monde d'en bas. La petite créature touffue, qui flottait doucement dans les airs, porta avec dextérité l'extrémité d'une des lianes qui lui servaient de bras vers ce qui était vraisemblablement son menton.
« Nous n'avons que rarement l'occasion de converser... Qu'y a-t-il, au juste ?
– D'après ta réaction, tu n'as vraiment rien remarqué... Regarde donc à tes pieds. »
Il s'exécuta, et constata avec étonnement qu'un bébé opo-opo se trouvait là, tout tremblotant, les mains fermement agrippées au revers de son vêtement. Leurs regards se croisèrent, et le petit animal gémit timidement en direction de Deryk.
« Oh... Depuis quand es-tu là, mon petit... ?
– Il te suivait déjà comme ton ombre lorsque tu es arrivé au Radeau de la Calebasse. Après avoir été blessé par un monstre, il s'est retrouvé seul et effrayé au beau milieu de la forêt, alors il a décidé de t'emboîter le pas quand tu es passé par là. »
En bonne protectrice de la cité forestière qu'elle était, Nophica avait décidé de passer dans la Sylve le temps qu'il restait jusqu'à l'exécution du plan des Douze. Ainsi, elle n'avait rien manqué du trajet de son homologue... Comme si elle s'exprimait au nom de l'opo-opo, elle poursuivit, un sourire au coin des lèvres.
« Tu es tellement dans la lune... J'ai préféré te prévenir avant que tu n'arrives dans le Coerthas, pour votre bien à tous les deux. Sur ce, je retourne à mes occupations. »
Joignant le geste à la parole, elle se métamorphosa en une petite boule de lumière, avant de disparaître dans l'obscurité de la forêt.
La Déesse partie, Deryk se retrouva seul à nouveau, ou plutôt avec le bébé opo-opo comme unique compagnie. Les deux se fixèrent, non sans une certaine gêne, et le petit animal aux grands yeux ronds sembla comprendre que son compagnon d'infortune ne lui ferait aucun mal. Il s'était vraisemblablement retrouvé à l'écart de son groupe, et sans personne pour le protéger, ses jours dans la nature sauvage étaient probablement comptés. Pire, Deryk se disait qu'en l'abandonnant, il trahirait la timide confiance que la frêle créature sans défense avait finalement placée en lui.
Ainsi, il se décida à passer les dernières heures de sa présente existence affublé de son nouvel ami simiesque. Il reprit sa route en se fiant aux quelques lampes qui l'éclairaient, conscient qu'il atteindrait bientôt le poste d'observation des vigiles sombres qui marquait la frontière entre Sombrelinceul et le Coerthas. Derrière lui, le bébé opo-opo s'efforçait tant bien que mal de suivre sa foulée rapide.
Une fois arrivé, l'explorateur s'adressa à une des sentinelles présentes :
« Excusez-moi de vous déranger, j'ai recueilli ce petit animal sur ma route, et il m'a l'air blessé. Puis-je m'éclairer de votre feu pour l'ausculter ? »
Fidèle à la réputation de serviabilité des agents de l'ordre des Deux Vipères, l'Élézen l'invita aussitôt à s'installer où bon lui semblait. Après l'avoir remercié, Deryk s'assit à proximité du feu avant de prendre le jeune singe dans ses bras pour examiner de plus près la blessure mentionnée par Nophica. Immédiatement, il remarqua une plaie près de l'aine. Par instinct, les animaux sauvages s'efforcent de se déplacer le plus normalement du monde même lorsqu'ils sont mal en point, afin de cacher toute faiblesse à leurs prédateurs ; mais au vu de sa blessure, le pauvre opo-opo avait dû souffrir le martyr pour arriver jusqu'ici.
Deryk sortit alors de sa besace un onguent, qu'il avait jadis reçu de la part d'un marchand ambulant qui s'était inquiété de le voir voyager aussi légèrement équipé. Plutôt heureux d'avoir finalement trouvé une occasion de s'en servir, il en prit un peu sur ses doigts avant de l'appliquer sur la plaie à soigner. Visiblement requinqué et rassuré, le petit singe vint alors s'installer sur les genoux de son bienfaiteur. À ce moment, un des vigiles sombres s'adressa à Deryk :
« On dirait qu'il s'est attaché à vous... Si vous comptez franchir le passage montagneux qui mène au Coerthas avec lui, je vous recommande d'être prudent. Que diriez-vous de passer la nuit ici, en échange de quelques récits de vos voyages ? Si vous préférez, vous pouvez aussi rebrousser chemin jusqu'au Radeau de la Calebasse. »
Hésitant, l'explorateur leva le regard vers le ciel. Le soleil s'était finalement couché à l'horizon, et ses derniers rayons avaient abdiqué devant les ténèbres de la nuit, déjà parsemées de quelques étoiles dont le lointain éclat serait bientôt la seule source de lumière pour éclairer un chemin bien accidenté. Il était donc plus prudent de suivre sagement ce conseil, aussi bien pour offrir un peu de répit à son compagnon convalescent que pour s'accorder un repos bien mérité.
Mais alors, quelles histoires seraient bonnes à raconter aux deux sentinelles qui allaient lui tenir compagnie pendant cette veillée improvisée ? Il aurait pu leur parler du détective excentrique dont il avait eu vent lors d'un séjour dans la cité des sables, ou bien des dernières rumeurs qui couraient dans l'Ala Mhigo libérée... Mais le feu crépitant qu'il avait devant lui fit ressurgir dans son esprit quelques vagues souvenirs de sa rencontre avec une voyageuse qui changea sa vie, dans un très lointain passé. Il la revit assise à ses côtés, le reflet d'une flamme dansant sur ses pupilles, tandis qu'elle racontait combien elle aimait voyager librement dans des terres inconnues, l'altruisme chevillé au corps.
Ce faisant, l'esprit de Deryk vagabondait sur son propre passé, son présent, et le futur qui l'attendait ; ses pensées allaient tantôt à ladite voyageuse qui se sacrifia par amour pour la planète et l'humanité, tantôt à ses compagnons animés par la même volonté, pour enfin dériver vers cet héritier spirituel qu'il allait rencontrer, et qui détenait la clef de sa destinée... Au fond de lui, il espérait que tous lui pardonneraient de faire durer ce dernier voyage plus que de raison.