Ce jour-là, le manoir des Leveilleur était en plein réaménagement. Ameliance, désignée comme mère d'accueil pour une étudiante venue de l'île de Thavnair, distribuait ses directives pour arranger l'une des pièces de sa demeure et en faire une chambre d'amis. On voyait se succéder pêle-mêle le mobilier, la literie et les ustensiles de maison, tous d'une élégance et d'un raffinement sans pareils. Ce vénérable salon, consacré de longues années durant à recevoir les invités de la famille Leveilleur lors de visites de courtoisie, se métamorphosait à vue d'œil en un lieu propice à la vie estudiantine.
Une fois le remue-ménage terminé, Ameliance admirait avec satisfaction le fruit de son labeur – quand soudain, elle remarqua un défaut intolérable : l'un des tiroirs du vieux bureau disposé au fond de la pièce était légèrement entrouvert. « Nous accueillons un nouveau membre dans notre famille, se dit-elle, il faut que tout soit parfaitement impeccable ! ». Elle s'approcha alors du tiroir fautif et le poussa de toutes ses forces, mais celui-ci semblait coincé et refusait de s'enfoncer entièrement.
« Il est vrai que ce meuble est plutôt ancien... Je crains qu'il n'ait besoin d'une petite réparation. »
Bien que prononcé machinalement, le qualificatif « ancien » était parfaitement approprié pour désigner le bureau. On pourrait même parler d'antiquité, puisqu'il fut acheté par la famille Leveilleur durant l'enfance de Louisoix et constitue une partie de l'héritage qu'il avait légué à son fils, puis à son petit-fils. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce qu'il finisse en piteux état au bout de trois générations successives. Espérant avoir plus de succès en retirant d'abord le tiroir entièrement, Ameliance comprit alors la raison de l'obstruction : dissimulée grâce à un mécanisme dans le plateau supérieur se trouvait une cache secrète, dont le battant mal fixé était resté entrouvert. Un dispositif aussi ingénieux était typique de Louisoix, réputé pour ce genre de facéties.
Cependant, Ameliance était dotée du même esprit malicieux que le vieux sage. Maintenant qu'elle avait découvert cette cachette mystérieuse, elle ne pouvait résister à l'envie de regarder ce qu'il y avait à l'intérieur. Et ce qu'elle y trouva n'était autre qu'un carnet relié d'une couverture en cuir. « Je me demande ce qu'il peut bien contenir ? », pensa-t-elle, et il ne fallut pas longtemps pour qu'elle ouvre le petit livre et pose les yeux sur la date inscrite sur sa première page. Elle reconnut l'écriture soignée et harmonieuse d'Alphinaud, et réalisa alors qu'il s'agissait du journal intime de son fils...
Une fois le remue-ménage terminé, Ameliance admirait avec satisfaction le fruit de son labeur – quand soudain, elle remarqua un défaut intolérable : l'un des tiroirs du vieux bureau disposé au fond de la pièce était légèrement entrouvert. « Nous accueillons un nouveau membre dans notre famille, se dit-elle, il faut que tout soit parfaitement impeccable ! ». Elle s'approcha alors du tiroir fautif et le poussa de toutes ses forces, mais celui-ci semblait coincé et refusait de s'enfoncer entièrement.
« Il est vrai que ce meuble est plutôt ancien... Je crains qu'il n'ait besoin d'une petite réparation. »
Bien que prononcé machinalement, le qualificatif « ancien » était parfaitement approprié pour désigner le bureau. On pourrait même parler d'antiquité, puisqu'il fut acheté par la famille Leveilleur durant l'enfance de Louisoix et constitue une partie de l'héritage qu'il avait légué à son fils, puis à son petit-fils. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce qu'il finisse en piteux état au bout de trois générations successives. Espérant avoir plus de succès en retirant d'abord le tiroir entièrement, Ameliance comprit alors la raison de l'obstruction : dissimulée grâce à un mécanisme dans le plateau supérieur se trouvait une cache secrète, dont le battant mal fixé était resté entrouvert. Un dispositif aussi ingénieux était typique de Louisoix, réputé pour ce genre de facéties.
Cependant, Ameliance était dotée du même esprit malicieux que le vieux sage. Maintenant qu'elle avait découvert cette cachette mystérieuse, elle ne pouvait résister à l'envie de regarder ce qu'il y avait à l'intérieur. Et ce qu'elle y trouva n'était autre qu'un carnet relié d'une couverture en cuir. « Je me demande ce qu'il peut bien contenir ? », pensa-t-elle, et il ne fallut pas longtemps pour qu'elle ouvre le petit livre et pose les yeux sur la date inscrite sur sa première page. Elle reconnut l'écriture soignée et harmonieuse d'Alphinaud, et réalisa alors qu'il s'agissait du journal intime de son fils...
1er jour de la 3e lune. Le printemps avait bourgeonné tardivement en ce début de l'an 1572, celui que l'Histoire retiendra comme le dernier de la 6e ère astrale. C'était aussi une de ces journées où Alphinaud Leveilleur s'ennuyait ferme.
Le jeune Élézen venait de recevoir la validation de sa candidature lui permettant d'entamer ses études supérieures à l'académie de magie de Sharlayan. Pour autant, il lui restait encore du temps avant le début du prochain semestre et ses cours particuliers étaient, eux aussi, terminés ; n'ayant donc plus rien pour s'occuper l'esprit, il était parfaitement désœuvré. Il ne pouvait même pas profiter de sa famille : son père était absent, et sa sœur Alisaie était partie faire quelques emplettes avec son grand-père. Il savait pourtant que ce dernier comptait bientôt quitter la Cité du savoir pour s'installer en Éorzéa, et Alphinaud espérait pouvoir passer quelques derniers moments ensemble avant son départ. Manque de chance, il s'était fait coiffer au poteau par sa jumelle. Ayant finalement décidé de se rendre au jardin familial pour s'adonner à un peu de lecture afin de tuer le temps, il se rendit à l'entrée du manoir... À sa grande surprise, il y croisa Fourchenault sur le point de sortir.
« Vous partez, Père ?
– Oui, une inspection de routine. »
Il pouvait sembler étrange qu'un père réponde aussi brièvement et sèchement à son fils de onze ans. Or, la réaction d'Alphinaud ne correspondait guère plus à celle d'un enfant de son âge.
« Vous travaillez même durant un jour de congé ? Vous devez avoir fort à faire.
– Pas exactement. Il ne s'agit pas d'une inspection pour le Conseil, mais d'une affaire personnelle. »
Voilà le genre de conversation triviale que pouvait avoir un père avec son fils prodige. Bien entendu, cela ne signifiait pas qu'Alphinaud était entièrement dépourvu de l'innocence et de la candeur propre aux enfants. Aussi, dès lors qu'il comprit que cette excursion impromptue n'était pas liée à son travail, le jeune garçon insista auprès de son père pour l'accompagner. Après un instant de réflexion, Fourchenault y consentit. Ils quittèrent alors la maison, sans pour autant qu'Alphinaud sache précisément où ils se rendaient.
Sur le chemin, ils croisèrent Alisaie à proximité de l'Agora, la mine boudeuse. Elle était accroupie et caressait la tête de son chien Angelo, tandis que se tenait à côté d'elle Louisoix, lui-même entouré de quelques amis savants. Il s'agissait de Montichaigne, le recteur de l'académie, ainsi que de Rurusha et de Nenelymo Totolymo, respectivement professeurs d'archéologie et de magismologie. Nul doute que les trois compères étaient malgré eux à l'origine de la contrariété d'Alisaie : monopolisant l'attention de son aïeul, ils ne se rendaient pas compte que la jeune fille se retrouvait totalement à l'écart. Bien que plein de compassion pour sa pauvre sœur, Alphinaud continua d'emboîter le pas son père.
Le jeune Élézen venait de recevoir la validation de sa candidature lui permettant d'entamer ses études supérieures à l'académie de magie de Sharlayan. Pour autant, il lui restait encore du temps avant le début du prochain semestre et ses cours particuliers étaient, eux aussi, terminés ; n'ayant donc plus rien pour s'occuper l'esprit, il était parfaitement désœuvré. Il ne pouvait même pas profiter de sa famille : son père était absent, et sa sœur Alisaie était partie faire quelques emplettes avec son grand-père. Il savait pourtant que ce dernier comptait bientôt quitter la Cité du savoir pour s'installer en Éorzéa, et Alphinaud espérait pouvoir passer quelques derniers moments ensemble avant son départ. Manque de chance, il s'était fait coiffer au poteau par sa jumelle. Ayant finalement décidé de se rendre au jardin familial pour s'adonner à un peu de lecture afin de tuer le temps, il se rendit à l'entrée du manoir... À sa grande surprise, il y croisa Fourchenault sur le point de sortir.
« Vous partez, Père ?
– Oui, une inspection de routine. »
Il pouvait sembler étrange qu'un père réponde aussi brièvement et sèchement à son fils de onze ans. Or, la réaction d'Alphinaud ne correspondait guère plus à celle d'un enfant de son âge.
« Vous travaillez même durant un jour de congé ? Vous devez avoir fort à faire.
– Pas exactement. Il ne s'agit pas d'une inspection pour le Conseil, mais d'une affaire personnelle. »
Voilà le genre de conversation triviale que pouvait avoir un père avec son fils prodige. Bien entendu, cela ne signifiait pas qu'Alphinaud était entièrement dépourvu de l'innocence et de la candeur propre aux enfants. Aussi, dès lors qu'il comprit que cette excursion impromptue n'était pas liée à son travail, le jeune garçon insista auprès de son père pour l'accompagner. Après un instant de réflexion, Fourchenault y consentit. Ils quittèrent alors la maison, sans pour autant qu'Alphinaud sache précisément où ils se rendaient.
Sur le chemin, ils croisèrent Alisaie à proximité de l'Agora, la mine boudeuse. Elle était accroupie et caressait la tête de son chien Angelo, tandis que se tenait à côté d'elle Louisoix, lui-même entouré de quelques amis savants. Il s'agissait de Montichaigne, le recteur de l'académie, ainsi que de Rurusha et de Nenelymo Totolymo, respectivement professeurs d'archéologie et de magismologie. Nul doute que les trois compères étaient malgré eux à l'origine de la contrariété d'Alisaie : monopolisant l'attention de son aïeul, ils ne se rendaient pas compte que la jeune fille se retrouvait totalement à l'écart. Bien que plein de compassion pour sa pauvre sœur, Alphinaud continua d'emboîter le pas son père.
Au bout de plusieurs minutes, le duo finit par arriver aux Rostres, le grand amphithéâtre situé sur les hauteurs de Sharlayan. Autrefois, le majestueux bâtiment avait d'ailleurs un tout autre aspect : il s'agissait simplement d'une grande place ronde avec des gradins où les citoyens sharlayanais se rassemblaient pour prendre les décisions politiques. Ces réunions récurrentes ont fini par donner naissance au Conseil des sages, qui demanda ensuite la construction d'un édifice pour abriter l'amphithéâtre. Aux yeux de Fourchenault, lui-même l'un des membres les plus importants du Conseil, ce lieu équivalait donc à son principal lieu de travail. C'est pourquoi Alphinaud ne put s'empêcher de trouver étrange que son père choisisse de s'y rendre pour une « affaire personnelle ».
« C'est par ici. Suis-moi. »
Toujours aussi peu loquace, Fourchenault invita son fils à le suivre. Ils prirent l'entrée de gauche et, pénétrant à l'intérieur du bâtiment, descendirent immédiatement l'escalier en direction du sous-sol. Ils arrivèrent devant une porte lourdement gardée. Cependant, aucun soldat des Rostres ne pouvait ignorer le visage de Fourchenault ; sitôt les formalités d'entrée terminées, l'impassible Élézen entra avec son fils. La porte fut refermée instantanément derrière eux, et lorsqu'il sentit les murs de la pièce s'ébranler, Alphinaud comprit aussitôt qu'ils se trouvaient dans un ascenseur.
« Père, si je comprends bien, l'endroit où nous nous dirigeons serait...
– Exact. Tu as certainement déjà appris l'existence du Labyrinthos, qui se situe sous notre cité. »
Le jeune garçon en avait effectivement déjà entendu parler. Il avait découvert lors de ses études que Sharlayan se situait sur une ancienne île volcanique, et sous la cité se trouvait un énorme gouffre, vestige qui témoignait du temps où le volcan était encore en activité. Au cours de leur établissement sur l'archipel, les Sharlayanais y auraient importé des échantillons de minéraux ainsi que des espèces animales et végétales venues de tous horizons, faisant de ce lieu une sorte d'entrepôt géant.
Cependant, connaître un lieu au travers de récits et le voir de ses propres yeux sont deux choses très différentes, et tout prodige qu'il fût, Alphinaud ne put s'empêcher d'écarquiller ses yeux d'un air ébahi au fur et à mesure que la machine descendait. Au-dessus de lui s'étendait un ciel factice doté d'un soleil artificiel qui illuminait l'intérieur de la grotte. Jamais il n'aurait pu imaginer un jour admirer une telle prouesse, même dans ses rêves les plus fous. Voyant le visage sidéré de son fils, Fourchenault esquissa un léger sourire.
« Alors, qu'en dis-tu ? C'est un beau spectacle, n'est-ce pas ?
La construction du Pneuma, la dernière tour employée pour la ventilation, a été terminée récemment, et les premiers essais avant sa mise en route définitive sont en cours. C'est pour y assister que je suis venu ici. »
Sentant la caresse du vent dans ses cheveux, Alphinaud accourut vers la rambarde et se pencha pour chercher des yeux la tour dont parlait son père. Lorsqu'il porta son regard en bas, il découvrit un précipice d'une profondeur inouïe, échelonné en plusieurs étages verdoyants. Nul n'aurait pu imaginer qu'un tel paysage puisse exister sous terre.
« Fantastique... On se croirait ailleurs, loin des îles des mers du Nord ! »
Fourchenault se plaça à côté de son fils, dont les yeux étincelaient encore.
« Nous avons tenté de recréer un climat tempéré similaire à celui de la région de Corvos, au sud du continent d'Ilsabard. Il me semble que les Garlemaldais considèrent cet endroit comme leur terre promise, qu'ils nomment Locus Amoenus. Et je dois dire que, même s'il m'en coûte un peu d'être en accord avec ces barbares prônant la guerre, je comprends leur point de vue. »
Il était rare que l'émérite membre du Conseil se montre aussi bavard, et son apparente fierté trahissait sans nul doute la difficulté du chantier mis en place pour créer cet espace hors du commun. Suivant toujours son père, Alphinaud arriva ensuite au Logistikon alpha, le bâtiment servant à réguler l'atmosphère du Labyrinthos. Pour le jeune surdoué avide de connaissances, pouvoir visiter ainsi un lieu pourvu des merveilles technologiques les plus récentes était une expérience exaltante. « Je veux tout voir, tout savoir ! », se disait-il en son for intérieur.
« S'il vous plaît, Père ! Pourrions-nous visiter cet endroit aussi ? »
Alors qu'ils venaient de terminer leur inspection de l'installation et sortaient du bâtiment, Alphinaud avait remarqué les chemins boisés s'étendant au nord et les pointait du doigt. Cependant, Fourchenault répondit en secouant la tête.
« Nous avons vu ce que nous étions venus voir. Rentrons à la maison. »
À ces mots, l'expression d'Alphinaud se changea instantanément en celle d'un bambin dont on venait de confisquer le jouet. Mais s'il avait bien une qualité que lui reconnaissait son père, c'était d'être un garçon obéissant. Il fit donc en sorte de dissiper rapidement la déception qui se lisait sur son visage.
C'est alors qu'une alliée inattendue vint lui porter secours.
« Allons, mon ami, pourquoi ne pas le laisser y aller ?
Après tout, ne sommes-nous pas venus ici pour pique-niquer ? »
Cette voix, c'était celle d'Ameliance. Elle venait d'arriver à l'improviste, un panier bien garni dans chaque main.
« Ce n'est pas très gentil de me laisser ainsi toute seule lors d'un jour de congé. Pour ta peine, tu devras faire tout ce que je te demande, c'est d'accord ? »
Bien qu'elle ait dit cela en souriant, faisant croire à son mari qu'il avait la possibilité de négocier, il était clair que ce n'était pas le cas. Même un homme comme Fourchenault, pourtant intraitable lorsqu'il s'agissait de prendre les décisions politiques pour la cité, ne pouvait avoir son mot à dire dans une telle situation. Peu de temps après, Louisoix, Alisaie et son chien Angelo les rejoignirent, prévenus eux aussi par Ameliance ; et c'est ainsi que toute la famille se mit à dresser la table pour leur pique-nique champêtre au milieu du Circuit médian du Labyrinthos.
Profitant de la légère brise apportée par le Pneuma fraîchement construit, ils étendirent leurs toiles sur l'herbe et commencèrent à sortir les victuailles des paniers. On déboucha la bouteille de thé, et une douce fragrance embauma l'air, se mêlant à l'odeur alléchante des petits plats achetés au Dernier Rempart. Ce tableau pittoresque d'une des plus célèbres familles de Sharlayan réunie au grand complet attirait irrémédiablement le regard, et il ne fallut que peu de temps avant que des passants – principalement des chercheurs – ne s'arrêtent pour discuter avec eux, certains finissant même par se joindre à leur déjeuner improvisé.
Les premiers de ces convives inattendus furent Galuf Baldesion, grand représentant des Élèves de Baldesion, ainsi que sa petite-fille adoptive, une jeune Lalafelle du nom de Krile qu'il souhaitait présenter à Alphinaud et Alisaie. Cette dernière était actuellement étudiante à l'académie de magie, et lorsqu'Ameliance l'apprit, elle lui demanda humblement de bien vouloir jouer le rôle d'aînée pour ses enfants qui allaient bientôt intégrer l'établissement à leur tour. Elle en profita pour lui offrir une tasse de thé, que Krile accepta avec plaisir, tout en répondant avec un sourire qu'elle ferait de son mieux pour les soutenir. Plus tard encore, deux nouvelles têtes se joignirent au groupe : la sémillante Moenbryda Wilfsunnwyn et le taciturne Urianger Augurelt, tous deux disciples de Louisoix. Ce dernier avait des scrupules quant au fait de perturber leur intimité, mais la jeune Roegadyne l'entraîna par le bras et insista pour prendre part au banquet, prétextant que « plus on est de fous, plus on rit ». Sans doute avait-elle raison puisqu'Urianger, pourtant très réservé d'habitude, se révéla être le plus enthousiaste des convives, discutant à bâtons rompus avec Louisoix au sujet de ses connaissances sur les prophéties ; à croire qu'il était en réalité le plus intéressé du duo pour prendre part au repas. Bien sûr, ce défilé d'invités-surprise ne s'arrêta pas en si bon chemin. Bientôt, Fourchenault fut lui aussi entouré de plusieurs de ses collègues et amis du Conseil. Rammbroes, un autre membre du Cénacle du Savoir, se joignit à la discussion entre Louisoix et Urianger et leur partagea ses théories sur la culture et la civilisation de l'ancien empire d'Allag. Se sentant dans l'obligation de nourrir tout ce petit monde, Ameliance passa commande auprès de Dickon, le gérant du Dernier Rempart, qui vint apporter lui-même ses produits. Comme les autres, il finit par se mêler naturellement à la joyeuse assemblée, se lançant dans des discussions enflammées sur la meilleure façon de cuisiner de succulents gâteaux.
« C'est par ici. Suis-moi. »
Toujours aussi peu loquace, Fourchenault invita son fils à le suivre. Ils prirent l'entrée de gauche et, pénétrant à l'intérieur du bâtiment, descendirent immédiatement l'escalier en direction du sous-sol. Ils arrivèrent devant une porte lourdement gardée. Cependant, aucun soldat des Rostres ne pouvait ignorer le visage de Fourchenault ; sitôt les formalités d'entrée terminées, l'impassible Élézen entra avec son fils. La porte fut refermée instantanément derrière eux, et lorsqu'il sentit les murs de la pièce s'ébranler, Alphinaud comprit aussitôt qu'ils se trouvaient dans un ascenseur.
« Père, si je comprends bien, l'endroit où nous nous dirigeons serait...
– Exact. Tu as certainement déjà appris l'existence du Labyrinthos, qui se situe sous notre cité. »
Le jeune garçon en avait effectivement déjà entendu parler. Il avait découvert lors de ses études que Sharlayan se situait sur une ancienne île volcanique, et sous la cité se trouvait un énorme gouffre, vestige qui témoignait du temps où le volcan était encore en activité. Au cours de leur établissement sur l'archipel, les Sharlayanais y auraient importé des échantillons de minéraux ainsi que des espèces animales et végétales venues de tous horizons, faisant de ce lieu une sorte d'entrepôt géant.
Cependant, connaître un lieu au travers de récits et le voir de ses propres yeux sont deux choses très différentes, et tout prodige qu'il fût, Alphinaud ne put s'empêcher d'écarquiller ses yeux d'un air ébahi au fur et à mesure que la machine descendait. Au-dessus de lui s'étendait un ciel factice doté d'un soleil artificiel qui illuminait l'intérieur de la grotte. Jamais il n'aurait pu imaginer un jour admirer une telle prouesse, même dans ses rêves les plus fous. Voyant le visage sidéré de son fils, Fourchenault esquissa un léger sourire.
« Alors, qu'en dis-tu ? C'est un beau spectacle, n'est-ce pas ?
La construction du Pneuma, la dernière tour employée pour la ventilation, a été terminée récemment, et les premiers essais avant sa mise en route définitive sont en cours. C'est pour y assister que je suis venu ici. »
Sentant la caresse du vent dans ses cheveux, Alphinaud accourut vers la rambarde et se pencha pour chercher des yeux la tour dont parlait son père. Lorsqu'il porta son regard en bas, il découvrit un précipice d'une profondeur inouïe, échelonné en plusieurs étages verdoyants. Nul n'aurait pu imaginer qu'un tel paysage puisse exister sous terre.
« Fantastique... On se croirait ailleurs, loin des îles des mers du Nord ! »
Fourchenault se plaça à côté de son fils, dont les yeux étincelaient encore.
« Nous avons tenté de recréer un climat tempéré similaire à celui de la région de Corvos, au sud du continent d'Ilsabard. Il me semble que les Garlemaldais considèrent cet endroit comme leur terre promise, qu'ils nomment Locus Amoenus. Et je dois dire que, même s'il m'en coûte un peu d'être en accord avec ces barbares prônant la guerre, je comprends leur point de vue. »
Il était rare que l'émérite membre du Conseil se montre aussi bavard, et son apparente fierté trahissait sans nul doute la difficulté du chantier mis en place pour créer cet espace hors du commun. Suivant toujours son père, Alphinaud arriva ensuite au Logistikon alpha, le bâtiment servant à réguler l'atmosphère du Labyrinthos. Pour le jeune surdoué avide de connaissances, pouvoir visiter ainsi un lieu pourvu des merveilles technologiques les plus récentes était une expérience exaltante. « Je veux tout voir, tout savoir ! », se disait-il en son for intérieur.
« S'il vous plaît, Père ! Pourrions-nous visiter cet endroit aussi ? »
Alors qu'ils venaient de terminer leur inspection de l'installation et sortaient du bâtiment, Alphinaud avait remarqué les chemins boisés s'étendant au nord et les pointait du doigt. Cependant, Fourchenault répondit en secouant la tête.
« Nous avons vu ce que nous étions venus voir. Rentrons à la maison. »
À ces mots, l'expression d'Alphinaud se changea instantanément en celle d'un bambin dont on venait de confisquer le jouet. Mais s'il avait bien une qualité que lui reconnaissait son père, c'était d'être un garçon obéissant. Il fit donc en sorte de dissiper rapidement la déception qui se lisait sur son visage.
C'est alors qu'une alliée inattendue vint lui porter secours.
« Allons, mon ami, pourquoi ne pas le laisser y aller ?
Après tout, ne sommes-nous pas venus ici pour pique-niquer ? »
Cette voix, c'était celle d'Ameliance. Elle venait d'arriver à l'improviste, un panier bien garni dans chaque main.
« Ce n'est pas très gentil de me laisser ainsi toute seule lors d'un jour de congé. Pour ta peine, tu devras faire tout ce que je te demande, c'est d'accord ? »
Bien qu'elle ait dit cela en souriant, faisant croire à son mari qu'il avait la possibilité de négocier, il était clair que ce n'était pas le cas. Même un homme comme Fourchenault, pourtant intraitable lorsqu'il s'agissait de prendre les décisions politiques pour la cité, ne pouvait avoir son mot à dire dans une telle situation. Peu de temps après, Louisoix, Alisaie et son chien Angelo les rejoignirent, prévenus eux aussi par Ameliance ; et c'est ainsi que toute la famille se mit à dresser la table pour leur pique-nique champêtre au milieu du Circuit médian du Labyrinthos.
Profitant de la légère brise apportée par le Pneuma fraîchement construit, ils étendirent leurs toiles sur l'herbe et commencèrent à sortir les victuailles des paniers. On déboucha la bouteille de thé, et une douce fragrance embauma l'air, se mêlant à l'odeur alléchante des petits plats achetés au Dernier Rempart. Ce tableau pittoresque d'une des plus célèbres familles de Sharlayan réunie au grand complet attirait irrémédiablement le regard, et il ne fallut que peu de temps avant que des passants – principalement des chercheurs – ne s'arrêtent pour discuter avec eux, certains finissant même par se joindre à leur déjeuner improvisé.
Les premiers de ces convives inattendus furent Galuf Baldesion, grand représentant des Élèves de Baldesion, ainsi que sa petite-fille adoptive, une jeune Lalafelle du nom de Krile qu'il souhaitait présenter à Alphinaud et Alisaie. Cette dernière était actuellement étudiante à l'académie de magie, et lorsqu'Ameliance l'apprit, elle lui demanda humblement de bien vouloir jouer le rôle d'aînée pour ses enfants qui allaient bientôt intégrer l'établissement à leur tour. Elle en profita pour lui offrir une tasse de thé, que Krile accepta avec plaisir, tout en répondant avec un sourire qu'elle ferait de son mieux pour les soutenir. Plus tard encore, deux nouvelles têtes se joignirent au groupe : la sémillante Moenbryda Wilfsunnwyn et le taciturne Urianger Augurelt, tous deux disciples de Louisoix. Ce dernier avait des scrupules quant au fait de perturber leur intimité, mais la jeune Roegadyne l'entraîna par le bras et insista pour prendre part au banquet, prétextant que « plus on est de fous, plus on rit ». Sans doute avait-elle raison puisqu'Urianger, pourtant très réservé d'habitude, se révéla être le plus enthousiaste des convives, discutant à bâtons rompus avec Louisoix au sujet de ses connaissances sur les prophéties ; à croire qu'il était en réalité le plus intéressé du duo pour prendre part au repas. Bien sûr, ce défilé d'invités-surprise ne s'arrêta pas en si bon chemin. Bientôt, Fourchenault fut lui aussi entouré de plusieurs de ses collègues et amis du Conseil. Rammbroes, un autre membre du Cénacle du Savoir, se joignit à la discussion entre Louisoix et Urianger et leur partagea ses théories sur la culture et la civilisation de l'ancien empire d'Allag. Se sentant dans l'obligation de nourrir tout ce petit monde, Ameliance passa commande auprès de Dickon, le gérant du Dernier Rempart, qui vint apporter lui-même ses produits. Comme les autres, il finit par se mêler naturellement à la joyeuse assemblée, se lançant dans des discussions enflammées sur la meilleure façon de cuisiner de succulents gâteaux.
Ainsi le pique-nique se prolongea jusqu'à une heure avancée, bien après que la lumière de la sphère en cristal servant d'astre artificiel ne s'estompe pour laisser place à la pénombre de la nuit. Aux yeux des derniers participants, la faible lueur que dégageait le soleil factice leur parut semblable à celle qu'émettent les véritables astres illuminant Ætherys lorsqu'ils sont alignés, à l'image de la nouvelle lune...
Tandis qu'Ameliance refermait doucement le carnet, elle se plongea dans ses pensées. Les yeux clos, elle repensa à cette journée et aux paroles que les trois hommes de la famille prononcèrent sur le chemin du retour.
« À présent, je vais pouvoir quitter Sharlayan sans regret et œuvrer pour l'avenir de la planète. »
Derrière ces quelques mots transparaissait la résolution et la détermination de Louisoix, qui allait bientôt partir en Éorzéa pour lutter contre la menace du septième fléau au péril de sa vie. Sans doute était-il rassuré et heureux d'avoir ainsi pu passer un dernier moment de bonheur avec sa famille et ses amis avant de partir.
« Quant à moi, je suivrai ma propre voie, pour que nos enfants puissent un jour suivre la leur. »
Cette phrase pouvait paraître obscure lorsque Fourchenault la prononça à cet instant, mais il semble évident aujourd'hui qu'il faisait référence au Grand Exode, le plan mis au point par le Conseil pour évacuer les habitants d'Ætherys vers la lune. Sans doute voulait-il témoigner à son père de la foi inébranlable qu'il avait en ce projet, qui était selon lui le seul moyen d'assurer un avenir aux générations futures. Il était bien connu que Louisoix n'approuvait pas sa démarche ; pourtant le vieil homme se contenta pour toute réponse de hocher silencieusement la tête en souriant, comme s'il comprenait les intentions de son fils au-delà de ses actes...
« Et moi, je continuerai aussi d'avancer sur le chemin que j'ai choisi, en espérant un jour vous être à tous les deux d'un quelconque soutien. »
Le souhait d'Alphinaud était celui, simple et pur, d'un enfant qui allait bientôt entrer à l'académie de magie et voulait se rendre utile auprès de ses aînés. Cependant, Ameliance savait maintenant que le vœu de son fils s'était réalisé : avec sa sœur Alisaie, ils ont suivi les pas de leur grand-père et emprunté la voie tracée par leur père, pour finalement sauver la planète aux côtés de leurs compagnons. Les trois hommes avaient ainsi chacun tenu leur promesse.
« À présent, je vais pouvoir quitter Sharlayan sans regret et œuvrer pour l'avenir de la planète. »
Derrière ces quelques mots transparaissait la résolution et la détermination de Louisoix, qui allait bientôt partir en Éorzéa pour lutter contre la menace du septième fléau au péril de sa vie. Sans doute était-il rassuré et heureux d'avoir ainsi pu passer un dernier moment de bonheur avec sa famille et ses amis avant de partir.
« Quant à moi, je suivrai ma propre voie, pour que nos enfants puissent un jour suivre la leur. »
Cette phrase pouvait paraître obscure lorsque Fourchenault la prononça à cet instant, mais il semble évident aujourd'hui qu'il faisait référence au Grand Exode, le plan mis au point par le Conseil pour évacuer les habitants d'Ætherys vers la lune. Sans doute voulait-il témoigner à son père de la foi inébranlable qu'il avait en ce projet, qui était selon lui le seul moyen d'assurer un avenir aux générations futures. Il était bien connu que Louisoix n'approuvait pas sa démarche ; pourtant le vieil homme se contenta pour toute réponse de hocher silencieusement la tête en souriant, comme s'il comprenait les intentions de son fils au-delà de ses actes...
« Et moi, je continuerai aussi d'avancer sur le chemin que j'ai choisi, en espérant un jour vous être à tous les deux d'un quelconque soutien. »
Le souhait d'Alphinaud était celui, simple et pur, d'un enfant qui allait bientôt entrer à l'académie de magie et voulait se rendre utile auprès de ses aînés. Cependant, Ameliance savait maintenant que le vœu de son fils s'était réalisé : avec sa sœur Alisaie, ils ont suivi les pas de leur grand-père et emprunté la voie tracée par leur père, pour finalement sauver la planète aux côtés de leurs compagnons. Les trois hommes avaient ainsi chacun tenu leur promesse.