En l'an 1572 de la 6e ère astrale, Gridania devait faire face à une multitude de difficultés : l'empire de Garlemald avait repris ses assauts sur les provinces éorzéennes, provoquant un afflux de réfugiés mhigois dans la forêt de Sombrelinceul. Débordées par cette arrivée massive de population, les forces armées de la cité sylvestre se retrouvaient dispersées, laissant le champ libre aux Ixali pour multiplier les incursions et abattre toujours plus d'arbres à offrir à leur divinité Garuda.
Face à une situation jugée alarmante, des Preux venus de Sharlayan exhortaient les gouvernements éorzéens à faire front commun en reformant une grande alliance.
C'est à cet égard que le grand conseil des esprits de Gridania fut exceptionnellement réuni à la Chaire du Lotus. Il s'agissait là de l'instance décisionnelle suprême de la Cité, composée de druides capables d'entendre la voix de ces êtres informes.
Or, leur parole n'était pas sonore, mais faite d'ondes éthérées qu'il était rarement possible de retranscrire pleinement avec des mots. Par conséquent, la traduction de leurs pensées en langue éorzéenne s'accompagnait toujours d'une part plus ou moins grande d'interprétation personnelle, avec tout ce que cela pouvait engendrer de désaccords et de malentendus. Maintes fois le grand conseil s'était écharpé autour de telles problématiques, souvent dans le cadre de débats politiques majeurs. La décision était alors généralement soumise au vote de l'assemblée.
Or, cette année était peut-être la pire de toutes : comme troublés par la survenue imminente d'une crise d'envergure, les esprits tenaient un « discours » extrêmement confus, au point que même les druides les plus consommés peinaient à en extraire la moindre idée directrice. Dès lors, tous les regards étaient naturellement tournés vers une personne : Kan-E-Senna, l'Oracle aînée de la Cité.
Si la Hyuroise était connue pour ses facultés magiques hors du commun, c'étaient avant tout ses cornes qui attiraient immédiatement l'œil. Elles étaient en effet l'apanage des Padjals, ces êtres bénis des esprits, capables de percevoir leur voix informe depuis leur naissance, mais aussi, par un mystérieux phénomène, de ne jamais vieillir. Traversant les siècles sans prendre une ride, ils étaient considérés comme les enfants prodiges de la nature, et révérés par tous les habitants de la Sylve.
Kan-E-Senna faisait partie de ces êtres d'exception. Dotée depuis sa plus tendre enfance de facultés hors du commun, c'est âgée d'à peine douze ans qu'elle avait été choisie par l'esprit doyen pour devenir Oracle, et prendre de fait la tête du grand conseil ; c'est dire à quel point elle était douée.
Bien qu'elle mena ensuite une vie relativement paisible dans la forêt, elle répondait présent sitôt que son devoir l'appelait. Quand les opinons divergeaient, c'était à elle, de par son lien étroit avec les esprits, d'offrir sa propre vision des choses et de trancher.
Une fois encore, le grand conseil tout entier était suspendu à ses lèvres. Or – et c'était la première fois que cela lui arrivait – elle ne parvenait pas à saisir la moindre parole.
« Si j'échoue à épauler le conseil, je vais perdre la face en tant qu'Oracle... Il faut à tout prix que j'interprète correctement le discours des esprits... »
Kan-E tendit à nouveau l'oreille, redoublant de concentration. Aussitôt, un torrent de pensées l'assaillit telle une vague déchaînée. Pour ne pas être engloutie, elle affûta ses sens, et entama son travail d'analyse. Hélas, dès qu'elle repérait une image fugace et tentait d'en d'extraire la signification, son esprit était aussitôt submergé de pensées parasites et emporté au loin, comme pris dans une coulée de boue.
« Je suis l'Oracle, tout le monde compte sur moi. »
Plus elle se répétait ce genre de phrases intérieurement, plus elle devenait nerveuse, pressée d'en finir. Que pouvait-elle donc faire pour entendre la voix de la forêt ? Évidemment, elle n'allait pas poser une question aussi triviale à son auditoire. Après tout, c'était elle, l'Oracle.
Cependant qu'elle se torturait les méninges, le déferlement de pensée des esprits, lui, ne faiblissait pas, bien au contraire. Bientôt, il résonna en elle avec une force assourdissante... avant de s'estomper tout à fait.
« Je ne... les entends plus... !? »
Au départ, elle crut que les esprits s'étaient simplement tus. Or, les druides autour d'elle ne semblaient pas décontenancés ; beaucoup plissaient toujours les yeux comme s'ils résistaient à une puissante vague d'éther.
Force était de constater qu'elle était la seule victime de cette étrange affection. Désormais au pied du mur, elle s'efforça tant bien que mal de feindre la sérénité, pour finalement ajourner la réunion.
Les esprits avaient exclu l'Oracle qu'elle était de la confidence, sans qu'elle sache pourquoi.
Dès lors, Kan-E se plongea dans les archives de la Cité en quête de réponses, éventuellement d'un précédent. Elle éplucha les comptes rendus des conseils passés ainsi que les annales officielles, et passa même en revue des recueils de chansons et poèmes. Chaque fois qu'elle tombait sur un cas analogue au sien, elle appliquait les solutions d'alors : offrandes rituelles, oraisons ancestrales, techniques de méditation rares et étranges... Tout y passa, sans que rien ne résolve son problème.
En désespoir de cause, elle alla jusqu'à ouvrir des précis d'élémentalisme destinés à des débutants, ce qui lui fit se sentir un peu ridicule.
Elle se dit qu'elle devait sans doute approfondir sa compréhension des esprits. Alors elle compulsa les chroniques de la 5e ère astrale datant d'avant l'époque gelmorraine, mais là encore, elle n'y trouva rien de véritablement pertinent.
Si son handicap s'avérait définitif, autrement dit si elle n'était plus en mesure d'assurer son rôle à la tête du grand conseil, c'est toute la politique gridanienne qui s'en retrouverait paralysée. Dans tous les cas, quelqu'un devait prendre les décisions qui s'imposaient. Kan-E alla donc solliciter l'aide de son prédécesseur, le fameux A-Pitat-Rapa.
L'ex-Oracle, qui allait souffler sa trois centième bougie, avait renoncé à ses fonctions à la suite d'une maladie grave, et coulait désormais une retraite thérapeutique dans les montagnes. La visite de Kan-E ne le dérangea point, au contraire ; lisant la détresse sur son visage, il s'empressa de l'accueillir chaleureusement.
« Tu n'es pas simplement venue me rendre visite... Que se passe-t-il ? »
La dernière fois qu'ils s'étaient vus, c'était il y a près de dix ans, lorsque la jeune Padjale avait pris sa succession. Une partie du grand conseil avait alors manifesté quelque réticence à l'idée de confier les rênes de la politique à une jouvencelle, quand bien même il s'agissait de l'élue de l'esprit doyen. A-Pitat l'avait alors véhémentement défendue, parvenant au bout du compte à mettre tout le monde d'accord.
Kan-E se sentait d'autant plus honteuse de sa mauvaise passe actuelle ; elle avait l'impression de trahir la confiance que son mentor avait placée en elle. Aussi, elle n'osa lui avouer la vérité.
A-Pitat lui offrit malgré tout un sourire aimable, tandis que se dessinaient sur son visage d'apparence toujours juvénile quelques rides au coin des yeux. À l'évidence, il lisait en elle comme dans un livre ouvert.
« Tu sembles en proie au doute et à l'adversité... Sache cependant que l'écoute à elle seule ne suffit pas à nourrir une conversation. Si tu refuses de répondre à celui qui te parle, alors tu ferais tout aussi bien de te boucher les oreilles. »
Cette remarque sembla chambouler Kan-E. À bien y repenser, avait-elle vraiment fait l'effort de dialoguer avec les esprits lors du grand conseil ?
Tandis qu'elle examinait la question, un Mog fit soudain irruption juste à côté d'elle, la ramenant brusquement à la réalité.
« Vous devez venir, vite ! On a un gros problème, kupo ! »
Voyant la créature se perdre en explications confuses, Kan-E préféra prendre congé d'A-Pitat afin de se hâter jusqu'au lieu dudit problème.
Arrivée dans un coin reculé de la Sylve, elle aperçut son frère cadet A-Ruhn, tout pâle et visiblement exténué, ainsi que sa petite sœur Raya-O, qui l'entourait de ses soins du mieux qu'elle le pouvait.
D'après le récit de cette dernière, son jeune frère s'était tout à coup mis à proférer des paroles incompréhensibles, avant d'être pris de violentes convulsions et de vomissements. L'hypothèse la plus probable était que les esprits, ne parvenant à se faire entendre de Kan-E et des druides, avaient tenté de s'exprimer à travers le jeune A-Ruhn, dont le talent égalait celui de sa grande sœur, mais dont le corps était hélas bien trop frêle pour supporter une telle déferlante de pensées. À présent, sa vie était en danger.
« Mes soins sont impuissants... Je t'en supplie, ma sœur, sauve A-Ruhn ! »
Kan-E allait dire à Raya-O de ne pas s'en faire lorsqu'elle s'interrompit brusquement, comme frappée d'une révélation. Les cris éplorés de sa sœurette venaient de lui ouvrir les yeux sur une vérité qu'elle refusait jusqu'ici d'admettre.
Elle savait désormais exactement ce qu'elle devait faire. Alors elle souleva son jeune frère dans ses bras, et s'élança à toute allure en direction du breuil de l'Ombre éternelle.
« Je suis venue vous parler, ô esprit doyen. Je sais que c'est égoïste de ma part, néanmoins je vous prie de m'accorder votre attention. »
Pas de réponse. L'Oracle se tenait pourtant face à l'Arbre gardien, le plus vieil arbre de la forêt de Sombrelinceul, censé abriter l'esprit doyen. L'état d'A-Ruhn continuait quant à lui d'empirer, même après que Raya-O l'eut allongé contre son tronc.
Dès lors, Kan-E se devait d'agir. Comment ? En avouant sans détours l'erreur qu'elle avait commise lors du grand conseil :
Face à une situation jugée alarmante, des Preux venus de Sharlayan exhortaient les gouvernements éorzéens à faire front commun en reformant une grande alliance.
C'est à cet égard que le grand conseil des esprits de Gridania fut exceptionnellement réuni à la Chaire du Lotus. Il s'agissait là de l'instance décisionnelle suprême de la Cité, composée de druides capables d'entendre la voix de ces êtres informes.
Or, leur parole n'était pas sonore, mais faite d'ondes éthérées qu'il était rarement possible de retranscrire pleinement avec des mots. Par conséquent, la traduction de leurs pensées en langue éorzéenne s'accompagnait toujours d'une part plus ou moins grande d'interprétation personnelle, avec tout ce que cela pouvait engendrer de désaccords et de malentendus. Maintes fois le grand conseil s'était écharpé autour de telles problématiques, souvent dans le cadre de débats politiques majeurs. La décision était alors généralement soumise au vote de l'assemblée.
Or, cette année était peut-être la pire de toutes : comme troublés par la survenue imminente d'une crise d'envergure, les esprits tenaient un « discours » extrêmement confus, au point que même les druides les plus consommés peinaient à en extraire la moindre idée directrice. Dès lors, tous les regards étaient naturellement tournés vers une personne : Kan-E-Senna, l'Oracle aînée de la Cité.
Si la Hyuroise était connue pour ses facultés magiques hors du commun, c'étaient avant tout ses cornes qui attiraient immédiatement l'œil. Elles étaient en effet l'apanage des Padjals, ces êtres bénis des esprits, capables de percevoir leur voix informe depuis leur naissance, mais aussi, par un mystérieux phénomène, de ne jamais vieillir. Traversant les siècles sans prendre une ride, ils étaient considérés comme les enfants prodiges de la nature, et révérés par tous les habitants de la Sylve.
Kan-E-Senna faisait partie de ces êtres d'exception. Dotée depuis sa plus tendre enfance de facultés hors du commun, c'est âgée d'à peine douze ans qu'elle avait été choisie par l'esprit doyen pour devenir Oracle, et prendre de fait la tête du grand conseil ; c'est dire à quel point elle était douée.
Bien qu'elle mena ensuite une vie relativement paisible dans la forêt, elle répondait présent sitôt que son devoir l'appelait. Quand les opinons divergeaient, c'était à elle, de par son lien étroit avec les esprits, d'offrir sa propre vision des choses et de trancher.
Une fois encore, le grand conseil tout entier était suspendu à ses lèvres. Or – et c'était la première fois que cela lui arrivait – elle ne parvenait pas à saisir la moindre parole.
« Si j'échoue à épauler le conseil, je vais perdre la face en tant qu'Oracle... Il faut à tout prix que j'interprète correctement le discours des esprits... »
Kan-E tendit à nouveau l'oreille, redoublant de concentration. Aussitôt, un torrent de pensées l'assaillit telle une vague déchaînée. Pour ne pas être engloutie, elle affûta ses sens, et entama son travail d'analyse. Hélas, dès qu'elle repérait une image fugace et tentait d'en d'extraire la signification, son esprit était aussitôt submergé de pensées parasites et emporté au loin, comme pris dans une coulée de boue.
« Je suis l'Oracle, tout le monde compte sur moi. »
Plus elle se répétait ce genre de phrases intérieurement, plus elle devenait nerveuse, pressée d'en finir. Que pouvait-elle donc faire pour entendre la voix de la forêt ? Évidemment, elle n'allait pas poser une question aussi triviale à son auditoire. Après tout, c'était elle, l'Oracle.
Cependant qu'elle se torturait les méninges, le déferlement de pensée des esprits, lui, ne faiblissait pas, bien au contraire. Bientôt, il résonna en elle avec une force assourdissante... avant de s'estomper tout à fait.
« Je ne... les entends plus... !? »
Au départ, elle crut que les esprits s'étaient simplement tus. Or, les druides autour d'elle ne semblaient pas décontenancés ; beaucoup plissaient toujours les yeux comme s'ils résistaient à une puissante vague d'éther.
Force était de constater qu'elle était la seule victime de cette étrange affection. Désormais au pied du mur, elle s'efforça tant bien que mal de feindre la sérénité, pour finalement ajourner la réunion.
Les esprits avaient exclu l'Oracle qu'elle était de la confidence, sans qu'elle sache pourquoi.
Dès lors, Kan-E se plongea dans les archives de la Cité en quête de réponses, éventuellement d'un précédent. Elle éplucha les comptes rendus des conseils passés ainsi que les annales officielles, et passa même en revue des recueils de chansons et poèmes. Chaque fois qu'elle tombait sur un cas analogue au sien, elle appliquait les solutions d'alors : offrandes rituelles, oraisons ancestrales, techniques de méditation rares et étranges... Tout y passa, sans que rien ne résolve son problème.
En désespoir de cause, elle alla jusqu'à ouvrir des précis d'élémentalisme destinés à des débutants, ce qui lui fit se sentir un peu ridicule.
Elle se dit qu'elle devait sans doute approfondir sa compréhension des esprits. Alors elle compulsa les chroniques de la 5e ère astrale datant d'avant l'époque gelmorraine, mais là encore, elle n'y trouva rien de véritablement pertinent.
Si son handicap s'avérait définitif, autrement dit si elle n'était plus en mesure d'assurer son rôle à la tête du grand conseil, c'est toute la politique gridanienne qui s'en retrouverait paralysée. Dans tous les cas, quelqu'un devait prendre les décisions qui s'imposaient. Kan-E alla donc solliciter l'aide de son prédécesseur, le fameux A-Pitat-Rapa.
L'ex-Oracle, qui allait souffler sa trois centième bougie, avait renoncé à ses fonctions à la suite d'une maladie grave, et coulait désormais une retraite thérapeutique dans les montagnes. La visite de Kan-E ne le dérangea point, au contraire ; lisant la détresse sur son visage, il s'empressa de l'accueillir chaleureusement.
« Tu n'es pas simplement venue me rendre visite... Que se passe-t-il ? »
La dernière fois qu'ils s'étaient vus, c'était il y a près de dix ans, lorsque la jeune Padjale avait pris sa succession. Une partie du grand conseil avait alors manifesté quelque réticence à l'idée de confier les rênes de la politique à une jouvencelle, quand bien même il s'agissait de l'élue de l'esprit doyen. A-Pitat l'avait alors véhémentement défendue, parvenant au bout du compte à mettre tout le monde d'accord.
Kan-E se sentait d'autant plus honteuse de sa mauvaise passe actuelle ; elle avait l'impression de trahir la confiance que son mentor avait placée en elle. Aussi, elle n'osa lui avouer la vérité.
A-Pitat lui offrit malgré tout un sourire aimable, tandis que se dessinaient sur son visage d'apparence toujours juvénile quelques rides au coin des yeux. À l'évidence, il lisait en elle comme dans un livre ouvert.
« Tu sembles en proie au doute et à l'adversité... Sache cependant que l'écoute à elle seule ne suffit pas à nourrir une conversation. Si tu refuses de répondre à celui qui te parle, alors tu ferais tout aussi bien de te boucher les oreilles. »
Cette remarque sembla chambouler Kan-E. À bien y repenser, avait-elle vraiment fait l'effort de dialoguer avec les esprits lors du grand conseil ?
Tandis qu'elle examinait la question, un Mog fit soudain irruption juste à côté d'elle, la ramenant brusquement à la réalité.
« Vous devez venir, vite ! On a un gros problème, kupo ! »
Voyant la créature se perdre en explications confuses, Kan-E préféra prendre congé d'A-Pitat afin de se hâter jusqu'au lieu dudit problème.
Arrivée dans un coin reculé de la Sylve, elle aperçut son frère cadet A-Ruhn, tout pâle et visiblement exténué, ainsi que sa petite sœur Raya-O, qui l'entourait de ses soins du mieux qu'elle le pouvait.
D'après le récit de cette dernière, son jeune frère s'était tout à coup mis à proférer des paroles incompréhensibles, avant d'être pris de violentes convulsions et de vomissements. L'hypothèse la plus probable était que les esprits, ne parvenant à se faire entendre de Kan-E et des druides, avaient tenté de s'exprimer à travers le jeune A-Ruhn, dont le talent égalait celui de sa grande sœur, mais dont le corps était hélas bien trop frêle pour supporter une telle déferlante de pensées. À présent, sa vie était en danger.
« Mes soins sont impuissants... Je t'en supplie, ma sœur, sauve A-Ruhn ! »
Kan-E allait dire à Raya-O de ne pas s'en faire lorsqu'elle s'interrompit brusquement, comme frappée d'une révélation. Les cris éplorés de sa sœurette venaient de lui ouvrir les yeux sur une vérité qu'elle refusait jusqu'ici d'admettre.
Elle savait désormais exactement ce qu'elle devait faire. Alors elle souleva son jeune frère dans ses bras, et s'élança à toute allure en direction du breuil de l'Ombre éternelle.
« Je suis venue vous parler, ô esprit doyen. Je sais que c'est égoïste de ma part, néanmoins je vous prie de m'accorder votre attention. »
Pas de réponse. L'Oracle se tenait pourtant face à l'Arbre gardien, le plus vieil arbre de la forêt de Sombrelinceul, censé abriter l'esprit doyen. L'état d'A-Ruhn continuait quant à lui d'empirer, même après que Raya-O l'eut allongé contre son tronc.
Dès lors, Kan-E se devait d'agir. Comment ? En avouant sans détours l'erreur qu'elle avait commise lors du grand conseil :

« Vous étiez apeuré, affolé par la survenue imminente d'une catastrophe. Malgré tout, vous avez donné de la voix pour nous avertir de la gravité de la situation. Et moi... j'ai été incapable de vous écouter. »
Ne s’attendant pas à un tel aveu de la part de sa grande sœur, Raya-O afficha un air stupéfait.
« Seulement, mon premier réflexe a été de penser à moi-même. J'avais peur d'avouer mon échec, peur de décevoir tous ceux qui croyaient en leur Oracle. Moi qui suis dépositaire de l'avenir de la Sylve, je me suis montrée égoïste, indigne de ma fonction. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que vous ayez préféré rompre le dialogue. »
Tel un signe d'acquiescement, les feuilles de l'Arbre gardien se mirent à voleter au gré du vent.
« J'aimerais m'excuser pour ma bévue. Et vous exprimer tout ce que j'aurais dû vous dire lors du grand conseil. Je sais que j'ai encore des lacunes, et que je ne réponds sans doute pas à toutes vos attentes. Néanmoins, mon désir de bâtir un avenir meilleur pour tous les êtres vivants de la forêt est authentique, tout comme celui de converser avec vous et les autres esprits. Aussi, je vous implore d'apaiser votre âme tourmentée, et de m'offrir à nouveau le privilège d'entendre votre voix ! »
Comme si la supplique de Kan-E avait trouvé réponse favorable, la respiration haletante d'A-Ruhn reprit peu à peu un rythme régulier. Sa bouche se mit à articuler une syllabe, puis une autre, jusqu'à former un tout – compréhensible, cette fois. On eût dit que les esprits de la forêt étaient en train de choisir soigneusement leurs mots.
Ainsi Kan-E menait la conversation, A-Ruhn prêtait sa voix aux esprits, et Raya-O écoutait attentivement le tout. Un travail d'interprétation à six mains qui aboutit en définitive à la prédiction suivante :
« De la lune viendra la menace. »
En marge de la crise que traversait Gridania, une catastrophe sans précédent allait vraisemblablement s'abattre non seulement sur la forêt de Sombrelinceul, mais sur Éorzéa tout entière.
Connaître à l'avance le destin n'impliquait pas de pouvoir l'infléchir, néanmoins Kan-E avait désormais toutes les cartes en main pour parer au plus pressé, une victoire qu'elle devait en grande partie à son frère et sa sœur. Si seulement elle les avait consultés plus tôt...
Une idée lui traversa soudain l'esprit. Elle la partagea avec Raya-O et A-Ruhn qui, bien qu'étonnés, l'approuvèrent. Rassurée, Kan-E leva les yeux et contempla la cime de l'Arbre gardien, un léger sourire aux lèvres. À ce moment précis, un vent agréable en agita les branches, et fit tomber un objet tout droit entre ses mains.
Sitôt revenue à Gridania, elle convoqua à nouveau le grand conseil des esprits. Ses membres affichaient tous un air perplexe, et pour cause : cette fois, l'Oracle était non seulement accompagnée de son frère et de sa sœur, normalement exclus de l'assemblée, mais aussi de son prédécesseur A-Pitat, qui avait bravé sa maladie pour l'occasion. Et l'atterrement général n'en fut que plus grand après que Kan-E ouvrit la séance en avouant sa récente déconvenue.
« En dépit de cela, et grâce à l'aide de Raya-O et d'A-Ruhn, je suis finalement parvenue à apaiser les esprits de la forêt. Ils m'ont alors révélé l'existence d'une menace qui dépasse l'entendement. »
Kan-E rapporta au grand conseil la prophétie que les Senna avaient discernée à trois : « De la lune viendra la menace » ; des mots si lourds de sens qu'un silence pesant s'abattit aussitôt sur l'auditoire.
« À vrai dire, je ne suis pas de taille à surmonter une telle épreuve seule. J'ai fini par m'en rendre compte en mon âme et conscience... et j'ai reçu ceci en guise de récompense. »
Elle brandit un long bâton de bois, en réalité la branche de l'Arbre gardien qui était tombée plus tôt.
« Voici Claustrum. Ce bâton m'a été offert par l'Arbre gardien lorsque j'ai fait vœu de m'appuyer sur mes cadets. J'en déduis que l'esprit doyen lui-même est d'accord pour que nous interprétions ses paroles à trois. »
Le nom que Kan-E avait choisi signifiait « la clef », celle-là même qui lui avait permis d'ouvrir son cœur aux autres.
« C'est pourquoi avec votre permission, j'aimerais poursuivre ma mission d'Oracle en compagnie de Raya-O et d'A-Ruhn. »
Aux côtés de leur sœur, le regard plein de détermination, les deux jeunes Padjals prirent à leur tour la parole pour convaincre l'assemblée, avant de laisser le mot de la fin à A-Pitat :
« Trois cœurs unis dans le dialogue... Un "Oracle tripartite", en quelque sorte. Gageons que cette gouvernance d'un genre nouveau saura assurer au mieux l'avenir des esprits, des hommes et de toutes les créatures de la forêt. »
Ainsi s'ouvrit un tout nouveau chapitre politique pour Kan-E-Senna.
Sa première décision fut de fonder une grande compagnie, en vue d'affronter la menace annoncée. Les nombreux livres d'Histoire qu'elle avait parcourus dans l'espoir de guérir sa « surdité » mentionnaient en effet l'existence d'un commandement militaire unifié durant la 5e ère astrale. Du reste, c'était ce que préconisaient les Preux de Sharlayan, raison de plus pour ressusciter cette institution du passé.
De cette décision naquit une Gridania nouvelle, transfigurée. Quelque temps plus tard, A-Pitat s'éteignait paisiblement, après avoir échangé une dernière fois avec sa protégée :
« Même les génies ont le droit de douter. L'important est de savoir t'arrêter, et prendre le temps de réfléchir. Toutefois, l'élan que tu te donnes ne dépendra jamais que de toi et de ta volonté. Si tu crois en la voie que tu as choisie, alors tu pourras l'arpenter d'un pas assuré.
– Dans ce cas, j'irai à la rencontre du monde lavée de tout mensonge et de toute imposture. Car j‘en ai désormais la ferme conviction : la voie se révèle aux cœurs purs. »
Ne s’attendant pas à un tel aveu de la part de sa grande sœur, Raya-O afficha un air stupéfait.
« Seulement, mon premier réflexe a été de penser à moi-même. J'avais peur d'avouer mon échec, peur de décevoir tous ceux qui croyaient en leur Oracle. Moi qui suis dépositaire de l'avenir de la Sylve, je me suis montrée égoïste, indigne de ma fonction. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que vous ayez préféré rompre le dialogue. »
Tel un signe d'acquiescement, les feuilles de l'Arbre gardien se mirent à voleter au gré du vent.
« J'aimerais m'excuser pour ma bévue. Et vous exprimer tout ce que j'aurais dû vous dire lors du grand conseil. Je sais que j'ai encore des lacunes, et que je ne réponds sans doute pas à toutes vos attentes. Néanmoins, mon désir de bâtir un avenir meilleur pour tous les êtres vivants de la forêt est authentique, tout comme celui de converser avec vous et les autres esprits. Aussi, je vous implore d'apaiser votre âme tourmentée, et de m'offrir à nouveau le privilège d'entendre votre voix ! »
Comme si la supplique de Kan-E avait trouvé réponse favorable, la respiration haletante d'A-Ruhn reprit peu à peu un rythme régulier. Sa bouche se mit à articuler une syllabe, puis une autre, jusqu'à former un tout – compréhensible, cette fois. On eût dit que les esprits de la forêt étaient en train de choisir soigneusement leurs mots.
Ainsi Kan-E menait la conversation, A-Ruhn prêtait sa voix aux esprits, et Raya-O écoutait attentivement le tout. Un travail d'interprétation à six mains qui aboutit en définitive à la prédiction suivante :
« De la lune viendra la menace. »
En marge de la crise que traversait Gridania, une catastrophe sans précédent allait vraisemblablement s'abattre non seulement sur la forêt de Sombrelinceul, mais sur Éorzéa tout entière.
Connaître à l'avance le destin n'impliquait pas de pouvoir l'infléchir, néanmoins Kan-E avait désormais toutes les cartes en main pour parer au plus pressé, une victoire qu'elle devait en grande partie à son frère et sa sœur. Si seulement elle les avait consultés plus tôt...
Une idée lui traversa soudain l'esprit. Elle la partagea avec Raya-O et A-Ruhn qui, bien qu'étonnés, l'approuvèrent. Rassurée, Kan-E leva les yeux et contempla la cime de l'Arbre gardien, un léger sourire aux lèvres. À ce moment précis, un vent agréable en agita les branches, et fit tomber un objet tout droit entre ses mains.
Sitôt revenue à Gridania, elle convoqua à nouveau le grand conseil des esprits. Ses membres affichaient tous un air perplexe, et pour cause : cette fois, l'Oracle était non seulement accompagnée de son frère et de sa sœur, normalement exclus de l'assemblée, mais aussi de son prédécesseur A-Pitat, qui avait bravé sa maladie pour l'occasion. Et l'atterrement général n'en fut que plus grand après que Kan-E ouvrit la séance en avouant sa récente déconvenue.
« En dépit de cela, et grâce à l'aide de Raya-O et d'A-Ruhn, je suis finalement parvenue à apaiser les esprits de la forêt. Ils m'ont alors révélé l'existence d'une menace qui dépasse l'entendement. »
Kan-E rapporta au grand conseil la prophétie que les Senna avaient discernée à trois : « De la lune viendra la menace » ; des mots si lourds de sens qu'un silence pesant s'abattit aussitôt sur l'auditoire.
« À vrai dire, je ne suis pas de taille à surmonter une telle épreuve seule. J'ai fini par m'en rendre compte en mon âme et conscience... et j'ai reçu ceci en guise de récompense. »
Elle brandit un long bâton de bois, en réalité la branche de l'Arbre gardien qui était tombée plus tôt.
« Voici Claustrum. Ce bâton m'a été offert par l'Arbre gardien lorsque j'ai fait vœu de m'appuyer sur mes cadets. J'en déduis que l'esprit doyen lui-même est d'accord pour que nous interprétions ses paroles à trois. »
Le nom que Kan-E avait choisi signifiait « la clef », celle-là même qui lui avait permis d'ouvrir son cœur aux autres.
« C'est pourquoi avec votre permission, j'aimerais poursuivre ma mission d'Oracle en compagnie de Raya-O et d'A-Ruhn. »
Aux côtés de leur sœur, le regard plein de détermination, les deux jeunes Padjals prirent à leur tour la parole pour convaincre l'assemblée, avant de laisser le mot de la fin à A-Pitat :
« Trois cœurs unis dans le dialogue... Un "Oracle tripartite", en quelque sorte. Gageons que cette gouvernance d'un genre nouveau saura assurer au mieux l'avenir des esprits, des hommes et de toutes les créatures de la forêt. »
Ainsi s'ouvrit un tout nouveau chapitre politique pour Kan-E-Senna.
Sa première décision fut de fonder une grande compagnie, en vue d'affronter la menace annoncée. Les nombreux livres d'Histoire qu'elle avait parcourus dans l'espoir de guérir sa « surdité » mentionnaient en effet l'existence d'un commandement militaire unifié durant la 5e ère astrale. Du reste, c'était ce que préconisaient les Preux de Sharlayan, raison de plus pour ressusciter cette institution du passé.
De cette décision naquit une Gridania nouvelle, transfigurée. Quelque temps plus tard, A-Pitat s'éteignait paisiblement, après avoir échangé une dernière fois avec sa protégée :
« Même les génies ont le droit de douter. L'important est de savoir t'arrêter, et prendre le temps de réfléchir. Toutefois, l'élan que tu te donnes ne dépendra jamais que de toi et de ta volonté. Si tu crois en la voie que tu as choisie, alors tu pourras l'arpenter d'un pas assuré.
– Dans ce cas, j'irai à la rencontre du monde lavée de tout mensonge et de toute imposture. Car j‘en ai désormais la ferme conviction : la voie se révèle aux cœurs purs. »