The Lodestone

Par-delà les finitudes

Nouveau départ à L'Aporie

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Des flocons de neige fins et épars tombaient sur Ishgard au moment où il reçut la lettre. Elle lui avait été transmise par un autre membre du collège des glaneurs. Il observa brièvement l'enveloppe, pensant qu'elle contenait une énième requête de livraisons.
Au cours de sa lecture, il réalisa qu'il s'agissait plutôt d'un échange de bons procédés. Apparemment, Krile Baldesion, dont la signature figurait en bas de la missive, lui offrait l'opportunité d'obtenir des informations de premier choix en échange de sa coopération. Se souvenant tout à coup du groupe peu commun de voyageurs qu'il avait rencontrés quelques jours auparavant, Erenville se demanda aussitôt ce qu'ils pouvaient bien mijoter.

Intrigué et méfiant à la fois, il retourna dans sa chambre d'auberge en réfléchissant à sa décision, mais à peine avait-il franchi le seuil de la porte que sa linkperle de travail lui fit résonner les tympans. L'employé du collège qui se trouvait à l'autre bout de la ligne avait du mal à calmer son agitation.

« L'heure du Grand Exode est arrivée ! Il faut qu'on quitte cette planète au plus vite ! »

Erenville écouta attentivement le résumé des décisions qui venaient d'être prises par le Conseil de Sharlayan.
L'apocalypse, la révélation de la volonté de l'astre, le plan d'évacuation vers la lune... Bien des questions s'étaient bousculées dans sa tête à ces sujets, et il avait un peu de mal à croire que les réponses, jusqu'alors très évasives, avaient la bonté de toutes se présenter simultanément. Avant de raccrocher hâtivement, l'employé n'oublia pas de lui préciser qu'il était attendu à Sharlayan dès que possible.

Trois jours plus tard, Erenville avait rendu tous les animaux capturés à leur milieu naturel ; sans autre charge que son propre poids, il pouvait donc rentrer au bercail à l'aide d'un sort de téléportation. Entre-temps, il reçut un message d'un collègue situé au Proche-Orient qui l'informait d'une catastrophe imminente dans toute la région.
De retour dans la Cité du savoir, il mit immédiatement ses doutes de côté et ne perdit pas une seule seconde en tergiversations. Il se rendit au pas de course à l'annexe des Élèves de Baldesion, et dès qu'il aperçut Krile en pleine discussion avec le réceptionniste, il sortit de sa poche intérieure la lettre qu'elle lui avait postée et s'exclama :

« Me voilà ! Dites-moi tout, et n'omettez aucun détail ! »

Malgré sa surprise de voir débarquer un visiteur de manière aussi impromptue, Krile garda toute sa contenance et s'exécuta après un hochement de tête.

Ce qu'elle lui raconta alors le stupéfia encore davantage que toutes les récentes déclarations en provenance du Conseil. Ainsi, les Héritiers de la Septième Aube avaient levé le voile sur la véritable histoire du monde, l'apocalypse s'était déjà manifestée en des temps fort reculés, et une simple fuite sur la lune ne permettrait pas de sauver tous les êtres vivants de la destruction... En somme, il leur faudrait parer au danger de diverses manières.
Comme tout bon Sharlayanais, Erenville avait fait vœu de toujours garder l'esprit ouvert dans le but d'enrichir son savoir. Son rôle de glaneur le poussait non seulement à cultiver ses talents personnels, mais aussi à garder constamment l'œil sur les spécificités des cultures et des affaires étrangères afin de remplir ses missions au mieux. Il ne lui avait pas échappé qu'une organisation renommée œuvrait pour la prospérité d'Éorzéa depuis bien longtemps déjà, et qu'elle avait pour membre émérite le héros qui l'avait aidé à retrouver des souris à frisettes avant de jouer les espions dans la peau d'une grenouille.
Maintenant qu'il était sur le point de franchir un cap, il fut en premier lieu frappé par l'ampleur de son ignorance malgré tous ses efforts. Le monde nouveau rempli de vérités inédites dans lequel il s'apprêtait à pénétrer lui semblait d'une étendue absolument inimaginable.

Or, sa planète natale foisonnait encore de mystères inexpliqués.
C'était déjà le cas avant les divulgations de Krile, mais maintenant qu'il en avait pris connaissance, aurait-il le temps d'exploiter pleinement ce potentiel de découvertes avant qu'il ne soit trop tard ?
En tout cas, partir vivre ailleurs dans l'inconnu de l'espace sans avoir tout tenté pour y parvenir lui paraissait un immense gâchis.

« Hmm... Comment pourrais-je contribuer à la résolution de ce problème ? »

Les mots s'étaient échappés de sa bouche sans qu'il s'en rende compte.
D'un sourire, Krile le remercia de sa venue et rétorqua qu'à l'heure où ils parlaient, elle pouvait uniquement lui certifier que son aide serait la bienvenue.

Sa part du marché n'allait pas tarder à être remplie.
Le collège des glaneurs avait expédié son personnel au port de l'Érudit afin de prendre en charge certains des ajustements du réacteur à éthéro-dégénérescence. Des matériaux divers et variés destinés aux travaux n'en finissaient pas d'affluer par bateau vers le Circuit central. Maintenant que le Conseil avait donné son accord, le vaisseau censé guider les Héritiers de la Septième Aube jusqu'aux confins de l'univers devait être prêt à décoller dans les plus brefs délais.

Pour ce faire, en parallèle au transport de l'indispensable hyperpropulseur, de nombreux échantillons devaient être acheminés jusqu'aux alentours du vaisseau. Les employés du Labyrinthos et les envoyés de la délégation d'Ilsabard assistaient avec entrain les glaneurs pour transporter les innombrables caisses avant de les entasser dans les entrepôts vides de l'Archéion prévus à cet effet.
Au bout d'une longue marche, Erenville déposa son lourd fardeau dans un monte-charge. Il avait beau avoir l'habitude, son corps commençait à ressentir une fatigue non négligeable. Alors qu'il s'étirait pour l'assouplir, un jeune homme à la voix joviale s'adressa à lui.
Son armure et sa tenue étaient typiquement celles d'un chevalier ishgardais. L'envoyé de la maison Fortemps, probablement ? En observant son visage de plus près, Erenville se souvint l'avoir vu se chamailler avec un pirate limséen au langage fleuri.

« Excusez-moi, mon brave, pourriez-vous me dire où se trouve la forge de Kokkol ? On m'a demandé d'y apporter ces marchandises.
– ... Dans ce cas, laissez-moi m'en charger. Ça ira plus vite.
– Vraiment ? Merci, je vous revaudrai ça ! »


Le jeune Fortemps sourit de toutes ses dents en confiant ses caisses à Erenville, qui n'avait toujours pas réellement chassé la fatigue qui lui pesait sur les épaules. Alors qu'il contemplait la montagne de matériaux dont il avait désormais la responsabilité, il eut du mal à contenir ses regrets de s'être dévoué aussi vite.

« Puisque les Ishgardais ont fait la paix avec les dragons, ils auraient peut-être pu suggérer à leurs nouveaux amis de nous donner un coup de main... »

Il s'arrêta un instant pour réfléchir à son sous-entendu.
Les dragons possédaient effectivement des capacités physiques colossales, mais cela ne signifiait en rien qu'ils étaient tout à coup devenus aisément abordables. Depuis la fin de la guerre millénaire qui ravagea le Coerthas, leurs rapports avec les humains avaient grandement évolué, mais les deux peuples en étaient-ils arrivés au point où ils pouvaient se demander des services comme de bons vieux amis ?
Erenville pensa qu'il ferait mieux de se renseigner sur ce genre de détails, car cela pourrait se révéler utile à l'avenir. D'ici là, il n'avait pas d'autre choix que de rassembler ce qui lui restait de forces afin que les matériaux entassés devant lui arrivent à destination.
Si cette tâche n'était pas terminée à temps, il n'y en aurait pas de prochaine. Qui plus est, Erenville avait pour principe de garder ses distances avec les individus qui, a contrario, avaient plutôt tendance à les réduire sans se gêner outre mesure.

Il mit moins longtemps qu'il ne l'aurait cru à atteindre la forge. Autour de lui, les travaux d'amélioration du réacteur à éthéro-dégénérescence battaient leur plein. De nombreux ingénieurs allaient et venaient dans le bâtiment à l'intérieur duquel tonnaient les vociférations de Kokkol Dankkol. Le maître des lieux, à en juger au nombre d'ordres donnés en simultané, accomplissait l'exploit de diriger toutes les opérations en même temps.
Erenville confia son tas de caisses au premier ingénieur qu'il croisa, mais alors qu'il le regardait s'éloigner du coin de l'œil, une petite créature d'un jaune éblouissant s'immisça dans son champ de vision.
Elle lui disait quelque chose... Après un court moment de trifouillage dans sa mémoire, il se souvint de l'endroit où il l'avait croisée durant un de ses nombreux voyages. C'était aux Forges de Garlond. Il s'était demandé ce que pouvait bien être cet « employé » à l'allure bizarroïde, et il se réjouit à l'idée d'enfin obtenir une réponse à sa question.
En s'approchant, il remarqua un Lalafell vêtu de l'uniforme des ingénieurs du célèbre maître Cid. Le dénommé Wedge, si ses souvenirs étaient exacts, se tenait près de l'intrigante créature.
Il semblait également s'être souvenu de leur rencontre, puisqu'il salua à son tour d'un air amical.

« C'est l'heure de la pause salvatrice ? », demanda le glaneur.
« Si seulement... Alpha et moi, on a une course à faire, et on attend que le troisième larron soit prêt au départ ! »

Erenville en conclut qu'Alpha était le nom de la créature au jaune si pimpant.
Quant au fameux troisième larron, il montra aussitôt le bout de son nez, ou plutôt le bout de ses pattes de robot miniature aux allures d'araignée. Il avait tout l'air d'un jouet, et vu sa petite taille, il était sans doute incapable de transporter des caisses aussi lourdes.

« Dites-moi, cet Alpha... C'est quoi, exactement ?
– Euh... Un collègue, pourquoi ?
– Non, je veux dire... C'est quoi comme créature ?
– Ah ! C'est un chocobo, pardi ! »


Un chocobo...
Il avait bien sûr déjà vu ces volatiles de nombreuses fois, et savait qu'ils étaient utilisés comme montures dans tout Éorzéa. Cependant, il n'en avait encore jamais croisé un seul qui ressemblait de près ou de loin à Alpha, malgré les nombreuses races de chocobo qui peuplent toute la Trigée. Sa curiosité le titillait de plus en plus. Même Sharlayan et ses innombrables encyclopédies sur la faune et la flore ne contenaient pas d'illustration d'un tel spécimen, qui ne tarda pas à lâcher un « Kwé ! » de rigueur, tout fier d'être au centre de l'attention.

« En effet, voilà un cri de chocobo tout ce qu'il y a de plus... chocobique... »

Wedge leva le pouce en guise d'approbation.
Le robot insectoïde profita du moment pour se mêler à la conversation en s'enroulant autour des pieds du Lalafell afin de le rappeler à l'ordre.

« Il faut qu'on y aille, le patron et les autres nous attendent ! À la prochaine ! »

Il décampa dès qu'il eut fini sa phrase, suivi d'Alpha qui démarra au son d'un autre « Kwé ! » encore plus claquant, puis de l'arachnide à quatre pattes et aux bruitages métalliques. Une bien étrange équipe, pensa Erenville en les regardant s'éloigner à toute vitesse.
Après autant d'émotions fortes successives, il resta un moment perdu dans ses pensées.

Il reprit le fil de son raisonnement au moment où le petit point jaune se fondait dans l'horizon.
Comment avait-il pu rester aussi dubitatif devant un simple chocobo ?
Justement parce qu'Alpha n'avait rien d'un simple chocobo. Pas une seule fois n'en avait-il attrapé un qui lui ressemblait, et si la découverte d'un spécimen similaire avait déjà été rapportée, il en aurait entendu parler. Une telle nouveauté aurait été baptisée, classifiée, et étudiée par des chercheurs scrupuleux dans ses moindres détails afin d'en établir la définition la plus exacte possible.

« Mais alors... quelle conclusion en tirer ? »

Maintenant qu'il s'était trituré les méninges à ce point, il lui fallait à tout prix obtenir le fin mot de l'histoire.
Les Héritiers de la Septième Aube l'avaient amplement démontré : une vérité admise comme telle à Sharlayan ne l'est pas nécessairement ailleurs. Si les ennemis d'hier tels que les dragons peuvent devenir les alliés de demain, alors la réalité est nécessairement un principe en constante évolution. Néanmoins, comment distinguer ce qui doit être considéré comme connu de ce qui ne l'est pas ?
Il lui fallait y réfléchir, encore et encore. En son for intérieur, son instinct lui confirmait que c'était le seul et unique moyen de faire une véritable percée dans le domaine du savoir.

Durant toute son introspection, les ingénieurs et autres employés n'avaient pas cessé de s'affairer autour de lui. En levant lentement les yeux sur eux, il fut étrangement surpris par les différences profondes de leurs physionomies individuelles. Les mots qu'ils prononçaient durant leurs conversations lui parurent tout à coup bien énigmatiques, ce qui créait un décor et une atmosphère à nuls autres pareils.
C'est alors qu'il eut une révélation : au fond, son ignorance du monde qui l'entourait était quasiment totale.
Un sourire involontaire se dessina sur son visage.

Il devait aider les Héritiers de la Septième Aube à remporter leur combat. Il n'y avait pas d'autre issue.
En soufflant un grand coup, il s'étira de toutes ses forces et fixa son regard sur l'horizon.
Une montagne de tâches restait encore à accomplir, et il était grand temps de se mettre au travail !

Compressé à l'extrême au sein d'une période de l'année déjà suffisamment chargée, le temps fila comme si une tempête l'entraînait.
Les charmants petits Loporrites couraient dans tous les sens au milieu des humains préposés au transport de matériaux. Les chercheurs sharlayanais les écoutaient dispenser leur savoir à propos de la lune et de ses particularités, puis élaboraient leur projet en fonction des informations récoltées. Même les membres du Conseil avaient accéléré le rythme général de leurs mouvements pour s'assurer que tout serait prêt à temps. La fois suivante où Erenville leur rendit visite, la voix tonitruante de Kokkol Dankkol résonnait toujours aussi fort à l'intérieur du bâtiment. On croisait également jour et nuit des employés des Forges de Garlond dans le Thaumazein, ainsi que des alchimistes hannois vêtus d'habits chamarrés qui collaboraient de près avec les ingénieurs. Quant aux serveurs du Dernier Rempart épaulés par de nombreuses familles locales, ils avaient naturellement pris en charge la préparation des repas, cuisinés avec les meilleurs ingrédients en provenance du Mitato et du laboratoire agronomique de Meryall. Le café, le chai et les autres indispensables revitalisants coulaient à flots, mais des lits avaient toutefois été disposés dans un coin pour permettre à ceux qui ne tenaient plus debout de prendre un repos éminemment mérité.

Or, telle l'éclaircie après l'orage survint une période où beaucoup de travailleurs se retrouvèrent les mains vides après avoir accompli leur labeur. Quand Erenville déposa sa dernière caisse à la Petite Sharlayan, plus de la moitié d'entre eux semblaient quelque peu désœuvrés. Ils restaient toutefois groupés au Labyrinthos en attendant de nouvelles directives.

Tout à coup, un son de cloche retentit dans la voûte céleste artificielle qui les surplombait, suivi d'une voix légèrement grésillante qui émana des haut-parleurs disposés un peu partout.

« Ici Fourchenault Leveilleur, représentant du Conseil. J'espère que vous m'entendez bien. »

Chacun dressa immédiatement l'oreille en retenant son haleine.
Fourchenault prit le temps de remercier tous les participants pour leurs immenses efforts et précisa que beaucoup d'ajustements étaient toujours en cours, mais le ton de sa voix était trop positif pour ne pas susciter une excitation grandissante au sein de la foule.

« Malgré tout ce qu'il nous reste à entreprendre, la construction proprement dite du vaisseau est achevée. Bientôt, nous pourrons enfin toucher les confins de l'univers du bout des doigts. »

L'assemblée resta bouche bée le temps de réaliser le poids de cette annonce.
L'instant d'après, un tonnerre de hourras et d'applaudissements retentissait aux quatre coins de l'île. Que ce soit à la Petite Sharlayan, au Labyrinthos ou ailleurs, les gens riaient, pleuraient de joie, tapaient dans le dos de leur voisin, se prenaient dans les bras et manifestaient leur bonheur de mille autres façons.
Erenville, pour sa part, poussa un soupir de soulagement. C'était tout ce que sa personnalité réservée pouvait se permettre en public, mais la satisfaction du travail accompli lui faisait autant chaud au cœur qu'à ses camarades.
Désormais, son seul souhait était que les Héritiers parviennent jusqu'à leur destination. Jusqu'au bout de l'univers où se jouait l'avenir encore incertain de ce monde.

S'est-il réalisé comme il l'espérait ?
Quoi qu'il en soit, l'apocalypse n'était maintenant plus qu'un mauvais souvenir, le calme et la tranquillité étaient revenus à Sharlayan comme partout ailleurs, et c'est d'un pas guilleret qu'Erenville se dirigeait à nouveau vers l'annexe des Élèves de Baldesion. Cette fois, il s'y rendait sans invitation. Il n'en avait nul besoin car il nourrissait un projet de la plus haute importance : offrir sa coopération régulière à l'organisation. En échange, elle n'aurait qu'à donner un coup de main aux glaneurs forcés de mettre de l'ordre dans les chambardements dus au Grand Exode avorté. Il était conscient des éventuels dangers qu'une telle alliance allait faire planer au-dessus de sa tête, mais sa soif de connaissance et de nouvelles découvertes était trop forte pour ne pas y céder.

Au bout de ce chemin, en tout cas l'espérait-il, se trouvait peut-être la reprise des objectifs qu'il s'était assignés jadis. Ils l'avaient poussé à s'engager en tant que glaneur, et remontaient au temps où il vivait encore dans sa lointaine terre natale sous un autre nom...

Lorsqu'elle entendit grincer la porte d'entrée de l'annexe et vit qui se trouvait sur le palier, Krile eut à nouveau du mal à cacher sa surprise.
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